Jacques Toubon, le Défenseur des droits, publie ce jeudi matin le rapport annuel d'activité 2015 de l'autorité constitutionnelle indépendante. Alors qu'il se dit vigilant notamment sur l’application de État d’urgence en France, l'ancien Garde des Sceaux (ministre de la Justice) n'a pas chômé l'an dernier.
79 592 dossiers ont en effet été enregistrés en 2015, soit une augmentation de 8,3 % en un an. La plus forte augmentation (+29,6 %) concerne la déontologie de la sécurité. La grande majorité des réclamations (40 329) concerne les services publics. Et dans ce lot, près de 3 % des motifs de réclamations ont trait à la santé. Droits des patients, incidents médicaux, violences, infections associées aux soins, événements liés à un produit de santé... La liste est nombreuse.
Les étudiants premières victimes en santé
Plus en détails, Jacques Toubon a été régulièrement saisi de différends opposant les étudiants et les structures chargées de la gestion de leur assurance maladie et maternité. Pour avoir une photographie de ces litiges, il a recueilli via un questionnaire mis en ligne sur son site internet du 5 décembre 2014 au 5 février 2015, près de 1500 témoignages relatifs à l’accès des étudiants à leur sécurité sociale.
L’analyse de ces témoignages et réclamations est implacable. Elle a confirmé l’existence de sérieuses défaillances de la sécurité sociale des étudiants, mais également des carences, notamment en matière d’information des étudiants sur leurs droits et d’accès à ces droits.
Le rapport résume l’étendue de la dégradation du service rendu : délais d’affiliation anormalement longs, cartes Vitale inutilisables, absence de respect du parcours de soins coordonnés, retards de remboursement pénalisants pour les étudiants et les professionnels de santé, information institutionnelle lacunaire voire inexistante.
Traitement inhumain des migrants à Calais
Autre inquiétude de l'ancien président de la Cité nationale de l’Histoire de l’Immigration, la situation des migrants à Calais. À partir d'une enquête approfondie et contradictoire, l'homme écrit avoir « constaté que les conditions de vie des migrants sur le territoire de Calais étaient constitutives de traitements inhumains et dégradants et portaient atteinte notamment à l’intérêt supérieur de l’enfant et au droit de mener une vie familiale normale ».
Pour remédier à cette situation intolérable, il rappelle avoir formulé de nombreuses recommandations dans un rapport rendu public le 6 octobre 2015, « concernant le droit inconditionnel à l’hébergement, à la protection de la santé, aux conditions matérielles d’accueil pour les demandeurs d’asile », précise-t-il.
Le GPA ne peut porter atteinte à l'identité
Enfin, à plus de 100 reprises en 2015, le Défenseur des droits a présenté des observations devant les juridictions, concernant parfois des injustices en santé. Il s’est par exemple engagé contre le refus d’embarquement de personnes handicapées par une compagnie aérienne, s'est saisi des cas de harcèlement moral fondé sur l’origine et dans le débat sur la Gestation Pour Autrui (GPA), interdite en France. Et dans cette dernière affaire, il a rappelé deux arrêts de la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) afin que le droit national soit conforme au droit européen.
D'après ces jurisprudences, la France a le droit d’interdire la GPA sur son territoire mais elle ne peut porter atteinte au droit à l’identité des enfants ainsi conçus. « Priver un enfant d’état civil ne peut avoir que des conséquences dommageables », est-il indiqué dans le rapport.
Pour rappel, la Cour de cassation a validé, vendredi 3 juillet, l’inscription à l’état civil d’enfants nés à l’étranger par gestation pour autrui (GPA).
La loi « autorisant le mariage pour les couples de même sexe » de 2013 a élargi aux couples de même sexe l’adoption déjà possible pour les personnes célibataires depuis 1966. L’accès à la procréation médicalement assistée (PMA) reste quant à lui restreint aux couples hétérosexuels pour remédier à une infertilité qui n’a parfois pas d’origine biologique. « La parentalité des femmes seules et en couple étant reconnue au travers de l’adoption, l’ouverture de l’accès à la PMA garantirait une égalité des droits », écrit le Défenseur des droits.
« Elle permettrait également de mettre fin à l’incertitude juridique dans laquelle vivent les familles homoparentales aujourd’hui, ces dernières subissant des procédures longues pour pouvoir établir la filiation de la conjointe avec un enfant né de PMA à l’étranger », pense-t-il.
En ce sens, le Défenseur des droits a rendu, en 2015, un avis (avis n° 15-18, 3 juillet 2015) en faveur de l’accès à la PMA pour toutes les femmes, qu’elles soient en couple ou célibataires, « afin de progresser vers l’égalité des droits quelle que soit l’orientation sexuelle ou la situation de famille des femmes », rappelle le rapport.