La diversification alimentaire permettrait de limiter le développement d’allergies, suggère une étude parue fin janvier dans la prestigieuse revue Science. Des chercheurs américains de l’Institut de recherche en immunologie et allergologie La Jolla (Etats-Unis) ont en effet montré qu’une alimentation variée dès l’enfance permet d’éduquer le système immunitaire afin qu’il tolère les aliments inconnus.
« Notre système immunitaire nous protège des éléments étrangers à notre organisme, comme les virus et les agents pathogènes, explique le Pr Charles Surth, responsable de cette étude. Nos travaux montrent que la tolérance alimentaire est acquise et implique une population spécifique de lymphocytes T qui se développe en fonction de notre alimentation. Sans ces cellules, notre corps réagirait très fortement aux aliments inconnus ».
Pour mieux comprendre l’utilité de ces lymphocytes T appelés Treg cell, les chercheurs ont étudié des souris « naïves ». Ces animaux de laboratoire sont élevés dans un environnement stérile et sont nourris avec une alimentation très spécifique qui ne peut pas déclencher d’intolérance alimentaire. Leur système immunitaire n’a donc jamais été confronté à des virus ou à un allergène. En les nourrissant avec des œufs, les scientifiques ont découvert que cet aliment nouveau induisait la production de Treg cell dans leur estomac et permettait de bloquer la réaction allergique. Ces cellules sont donc des immunosuppresseurs.
Différentes populations de Treg cell
Les chercheurs ont donc voulu savoir si ce phénomène se mettait en place chez des souris normales. Pour cela, ils ont utilisé des souris nourries avec des protéines mais ne possédant pas de flore intestinale. En analysant leur estomac, ils ont découvert que ces souris avaient naturellement des Treg cell alors que les premières souris naïves en sont dépourvues.
Pour les chercheurs, cette seule différence entre les cobayes suggère qu’une alimentation protéinée stimule la production de Treg cell. Et par conséquent, cela signifie que ces cellules sont naturellement présentes chez des souris normales.
Grâce à ces deux modèles de souris, les scientifiques ont également démontré que la nourriture et les bactéries intestinales ne génèrent pas les mêmes Treg cell. Or, les souris sans microbiote n’ont que les Treg cell induites par l’alimentation, et sont connus pour être plus susceptibles aux allergies. Aussi, les chercheurs en ont déduit qu’il est nécessaire d’avoir les différentes populations de Treg cell pour prévenir les allergies.
Un système qui n'est pas infaillible
D'après leurs observations, les auteurs supposent que l’on deviendrait tolérant au fil du temps en élargissant le répertoire ces cellules T afin qu’elles reconnaissent les aliments inconnus comme « sûrs ». Autrement dit, plus notre alimentation est variée, plus notre système d'alerte comprendra qu’un aliment étranger n’est pas un danger.
Dans leurs prochains travaux, les chercheurs s’intéresseront aux détails moléculaires et cellulaires qui pourraient expliquer pourquoi notre système immunitaire déraille parfois et déclenche une réaction allergique. « Nous accorderons une attention particulière aux aliments connus pour être allergisants tels que les cacahuètes, les œufs ou encore le lait » concluent les auteurs.