Depuis les attaques terroristes du 13 novembre 2015 à Paris, la France vit au rythme de l'état d'urgence. Et les lycées n’échappent pas à la règle. Pour renforcer la sécurité dans les établissements scolaires, certains directeurs de lycées généraux ou professionnels ont de nouveau autorisé les lycéens à fumer dans l'enceinte de ces établissements. La polémique enfle...
« Non, ce n’est pas une blague », a expliqué au quotidien Le Monde, Michel Richard, secrétaire général adjoint du Syndicat National des Personnels de Direction de l'Éducation Nationale (SNPDEN). Le principal syndicat des chefs d’établissements scolaires a en effet demandé au gouvernement le 2 février d’autoriser la cigarette à l’intérieur des lycées, afin de prévenir les risques d’attentat.
Mais sans attendre la réponse officielle des autorités, certains chefs d’établissements se sont déjà engouffrés dans une brèche. Celle offerte par le ministère de l’Éducation nationale qui a publié, fin novembre, une circulaire (n°2015-206) indiquant qu’en lycée, « des zones spécifiques peuvent être aménagées au sein des établissements scolaires dans les espaces de plein air pour éviter que les élèves ne sortent du lycée pendant les interclasses ». Une crainte d'autant plus amplifiée que depuis quelques jours, les menaces téléphoniques contre des lycées parisiens et lyonnais se sont multipliées.
La loi Evin pas respectée
Pour beaucoup d’associations de lutte contre le tabagisme, l’interprétation faite de ce texte par les proviseurs est, d'une part, dangereuse, d'autre part, illégale. Dans un communiqué, l’Association Nationale de Prévention en Alcoologie et Addictologie (ANPAA ) écrit en effet que « cette autorisation viole directement la réglementation en vigueur qui interdit totalement aux élèves et aux personnels de fumer dans l'enceinte des établissements et d'aménager des espaces réservés aux fumeurs, y compris dans les espaces non couverts ».
En contrevenant à cette disposition de la loi Evin, les établissements s'exposent même à 750 euros d'amende et le fumeur à 450 euros.
Pour enfoncer la clou,l’ANPAA rappelle que la prévalence du tabagisme chez les jeunes est suffisamment forte « pourqu'on ne baisse pas la garde ». Une enquête récente soulignait que 44 % des jeunes de 17 ans déclarent avoir fumé dans le mois précédent et 32,5 % fument déjà régulièrement.
Face à ces chiffres, l'ANPAA a demandé officiellement à Najat Vallaud-Belkacem, la ministre de l'Education nationale, d'organiser « rapidement une réunion de concertation avec l'ensemble des associations de lutte contre les addictions, les proviseurs, le ministère de la Santé et la MILDECA (2) et de rappeler fermement aux responsables des lycées que la nécessaire sécurité des élèves ne doit pas se faire au détriment de leur santé ».
Discorde entre les ministères
Ces militants de la lutte contre le tabagisme ont déjà reçu le soutien de la ministre de la Santé, Marisol Touraine, et d’imminents médecins engagés dans la lutte contre le tabac. Parmi eux, le célèbre pneumologue, Bertrand Dautzenberg, qui, sur son compte Twitter, écrivait récemment : « des professeurs demandent un fumoir dans les cours des lycées, je dis « non ». (A cause de cette mesure Ndlr)), 3 lycéens par classe mourront du tabac 22 ans trop tôt. Il est illégitime d'autoriser de fumer dans les lycées au nom de la sécurité. La sécurite c'est zéro fumeur dans les établissements », martelait-il.
(2) Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives