Ils s’appellent Meetic, AttractiveWorld, ou encore amoureux.com, et ils n’ont jamais été aussi populaires auprès des Français. Il y en a pour tous les âges, pour tous les goûts et pour tous les profils.
Aujourd’hui, plus d’une centaine de sites de rencontre francophones existent, et les Français sont nombreux à succomber à la tentation de les rejoindre, comme une nouvelle étude de l’INED le met en évidence.
Alors que ces sites sont nés aux Etats-Unis, leur taux de fréquentation par les 25-65 ans n’atteint que 9 % en 2013, contre 14 % en France. Entre 2006 et 2013, ils ont gagné des milliers usagers. Dans toutes les catégories d’âge, leur utilisation a progressé : pour les 26-30 ans par exemple, le taux d’usage est passé de 19 à 29 % de la population, et pour les 46-50 ans, de 7 à 12 %.
SOURCE INED
Est-ce à dire qu’ils sont moins tabous ? Pas forcément, car 28 % des inscrits affirment qu’ils ne le sont pas à leur entourage. La croissance du nombre d’usagers tient plutôt au fait que l’accès à internet s’est amélioré, en tout point du territoire, et que les sites ont lancé des campagnes marketing massives pour se faire connaître.
« Il faut bien se rendre compte que ces sites ont une visibilité accrue, liée à leur médiatisation et leur présence publicitaire importante, qui explique que plus de personnes se tournent vers eux. L'accès à Internet a aussi aidé, et aux Etats-Unis, le taux d'usage plus faible peut d'ailleurs s'expliquer par l'ampleur de la fracture internet », souligne Marie Bergström, auteure de l'étude.
La chercheuse le montre bien : la multiplication du nombre d'usagers sur les sites de rencontre s’est accompagnée d’un véritable phénomène de démocratisation. Les internautes restent encore majoritairement cadres et urbains, mais l’écart s’est aujourd’hui réduit. Ainsi, 13 % des ouvriers vont sur ces sites, contre 16 % des cadres.
Reproduire un entre soi
Toutefois, cette démocratisation ne s’accompagne ni d'une diversité des rencontres ni d'un brassage social. C’est peut être là l’évolution la plus marquante : les sites de rencontres se sont multipliés pour répondre à un public grandissant, mais ils sont aussi devenus plus spécialisés, plus segmentants.
Des sites insolites qui proposent des rencontres entre gothiques, entre végétariens, ou encore entre amateurs de cuisine, à ceux qui proposent de mettre en relation des personnes de la même origine ethnique ou de la même confession, ces services répondent aux attentes de groupes de plus en plus ciblés.
Un entre soi similaire à la vie « réelle », d'après Marie Bergström. « Cette segmentation fait que l'on se retrouve face à un phénomène proche de ce qu'on observe dans la vraie vie. Il y a différents lieux de rencontres selon les âges, les milieux socio-professionnels », observe-t-elle.
Même si les sites généralistes, comme Meetic, restent les plus populaires, la segmentation des plateformes de rencontres s’est en tout cas accompagnée d’une migration de certains usagers vers ces nouveaux services spécialisés.
« Certains répondants m'ont dit que les sites généralistes pouvaient être effrayants, car l'effet de masse et le nombre important d'usagers étaient impressionnants. Certains veulent donc aller vers des sites qui leur parlent et des usagers qui leur ressemblent afin de retrouver une certaine intimité », explique Marie Bergström.
Discrétion recherchée
Pour la chercheuse, c’est justement la volonté de revenir à quelque chose de plus intime et discret qui attire les usagers vers ces sites. Ceux-ci permettent, selon elle, de sortir de son cercle de sociabilité et ainsi de se passer des commentaires et des pressions exercées par son entourage pour vivre une relation plus discrète, souvent dissimulée à l’abri du regard de ses proches.
« Le fait de court-circuiter l'entourage pour rencontrer des partenaires a un attrait, notamment pour les jeunes, dont les comportements sont surveillés par la famille ou les pairs. Sur Internet, la rencontre est beaucoup moins donnée à voir, beaucoup plus discrète », estime Marie Bergström.
Les sites de rencontre permettent aussi de démarrer sa relation sans trop se poser de questions sur les conséquences que celle-ci peut avoir, puisque, si elle se termine, aucun lien ne continuera à priori à relier les deux personnes.
C’est en partie en raison de cette insouciance qu’une majorité des relations amoureuses et sexuelles qui se nouent sur ces sites sont rarement l’occasion de rencontrer son conjoint. D’ailleurs, 57 % des Français estiment que les sites ne mènent qu’à des rencontres occasionnelles.
A noter cependant que leur usage varie fortement selon l’âge, et qu’un plus grand nombre de couples se forment lorsqu’il s’agit de personnes divorcées ou séparées. 10 % des secondes unions des Français proviennent de ces sites, contre « seulement » 5 % des premières unions. Un autre groupe rencontre aussi plus fréquemment l’amour via ce biais : les personnes homosexuelles, qui sont une sur trois a rencontré ainsi leur conjoint.