Des salles de consommation à moindre risque (SCMR) devraient être expérimentées en France avant la fin de l’année. C’est ce qu’a déclaré le ministre de la Santé Marisol Touraine, dimanche 21 octobre. Les SCMR sont des centres dans lesquels les usagers de drogues confirmés sont autorisés à consommer leurs substances dans de bonnes conditions d’hygiène. Avec cette possible expérimentation des SCMR, la France prend modèle sur les salles qui existent déjà en Europe (Suisse, Espagne, Allemagne,…) ou en Amérique du Nord (Vancouver).
Fréquemment nommées « salles de shoot » ou « salles de consommation de drogues », les SCMR ont pour objectif la réduction des risques pour les usagers de drogues. Une politique qui « valorise la capacité des individus à se prendre en charge », note le rapport de l’Inserm Réduction des risques infectieux chez les usagers de drogues (octobre 2010). « La réduction des risques est une philosophie qui privilégie la santé des personnes avant l’arrêt de la consommation du produit, analyse le Dr Alain Morel, psychiatre. Il ne s’agit pas d’arrêter de consommer, mais de consommer à moindre risque. »
Ecoutez le Dr Alain Morel, psychiatre, directeur général de l’Association Oppelia (1), co-auteur de L’aide-mémoire de la réduction des risques en addictologie2 : « Plutôt que de se donner la priorité que les usagers arrêtent, il faut se donner la priorité de réduire les dommages dans cette population. »
Les SCMR s’inscrivent dans une démarche de réduction des risques à plusieurs niveaux : lutte contre le virus du sida et autres maladies transmissibles liées à la consommation de drogues, encouragement et maintien du lien social, favorisation de l’accès aux institutions socio-médicales.
« La salle de consommation permet aussi de repérer au plus vite des situations qui pourraient s’aggraver et donc de faire des relais adéquats, comme dans les cas d’infections ou les abcès nécessitant des soins hospitaliers », ajoute Martine Baudin, directrice de la salle de consommation Quai9, ouverte depuis 10 ans à Genève en Suisse. Pour travailler au sein d’une SCMR, il faut « accepter les choix des consommateurs, leurs hauts et leurs bas et, parfois, leur absence de désir d’entreprendre une démarche de soin », relève le journal du Quai9, dans son premier numéro. A Genève justement, le succès s’explique entre autres car la salle « répond clairement aux besoins des usagers de drogues, ceux et celles qui ne peuvent pas encore s’arrêter, explique Martine Baudin. Quai9 fait partie d’un dispositif complet de politique de réduction des risques. ». Le bilan qu’elle dresse des 10 années de fonctionnement de Quai9 est très positif.
Ecoutez Martine Baudin, directrice de la salle de consommation à moindre risque Quai9, à Genève (Suisse) : « Il n’y a plus de transmission du VIH par voie intra-veineuse. Les usagers de drogues ont eu la capacité d’avoir des comportements responsables. »
Les SCMR sont « aussi la dernière chance pour les professionnels de rencontrer des usagers qui sont hors-circuit, de les toucher et de les aider », explique Miguel, 57 ans. Cet ex-héroïnomane ne fréquentait pas Quai9 mais l’une de ses analogues, à Madrid. Il a commencé à consommer de l’héroïne à 18 ans et à la suite au décès de sa femme, il a sombré dans une « consommation effrénée ». De 2000 à 2004, il a fréquenté quotidiennement la SCMR madrilène. C’est là qu’on a suggéré à Miguel de fumer l’héroïne au lieu de se l’injecter. Deux ans après, il s’est senti prêt à entamer un programme de substitution de l’héroïne, avec de la méthadone. Il a repris une activité professionnelle depuis 5 ans et est aujourd’hui membre de l’association Asud (Autosupport et réduction des risques). « Pour résumer, la SCMR de Madrid était un havre de paix pour moi. Sans eux, je n’aurais pas intégré le programme méthadone. Et je ne serai pas là pour en parler aujourd’hui », témoigne Miguel.
En France, les salles de consommation à moindre risque devraient voir le jour à titre expérimental à Paris, Marseille et Bordeaux.
(1) Association qui a pour objet d’apporter une aide aux personnes qui rencontrent des difficultés psychologiques, sociales et sanitaires, en particulier celles liées à l’usage de drogues et aux addictions.
(2) L’aide-mémoire de la réduction des risques en addictologie, d’Alain Morel, Pierre Chappard et Jean-Pierre Couteron, Ed. Dunod