En général, c'est la capacité des cellules tumorales à migrer dans l'organisme pour coloniser des organes distants qui détermine l'issue d’un cancer. La plupart des décès sont donc dus non pas à la tumeur initiale, mais à ses métastases. Malgré son importance clinique, ce phénomène reste mal connu.
Une équipe de chercheurs de l'unité 1138 « Immunologie et cancérologie intégratives » (Inserm, universités Pierre-et-Marie-Curie et Paris-Descartes) a mené une analyse génomique des tumeurs chez des malades atteints d'un cancer colorectal. Les résultats montrent une très forte diversité des tumeurs. Chaque malade a donc « son » cancer, génétiquement bien individualisé, mais aucun lien n'a pu être mis en évidence entre le type de mutations retrouvé dans la tumeur, ou l'expression de ces gènes mutés, et le développement de métastases.
En revanche, d’autres différences sont significatives : la densité des vaisseaux lymphatiques du microenvironnement tumoral est significativement plus faible pour les tumeurs ayant donné naissance à des métastases par rapport à celle des tumeurs qui restent localisées. De même, les cellules démontrent une moindre fonctionnalité dans ces tumeurs métastatiques.
Une analyse extensive
Les chercheurs ont analysé les tumeurs de 838 patients atteints d'un cancer colorectal, localisé (662) ou métastasé (176), afin d'identifier les meilleurs marqueurs prédictifs du potentiel métastatique d'une tumeur. Ils ont réalisé l'examen le plus exhaustif possible, en analysant l’ensemble des altérations génétiques par séquençage génétique complet, et en utilisant différentes approches pour caractériser au mieux la réponse immunitaire de l'hôte.
Afin de déterminer l’exacte nature des liens qui existent entre microenvironnement tumoral et risque de métastases, l'équipe s'est intéressée à des patients montrant, soit des signes précurseurs de dissémination, soit une tumeur localisée, mais avec le développement ultérieur d’une métastase.
Les chercheurs ont retrouvé les mêmes caractéristiques que dans les tumeurs déjà métastasées : une moindre densité de vaisseaux lymphatiques et une réponse immunitaire adaptative plus faible.
Des implications thérapeutiques
Ces deux paramètres indépendants pourraient donc constituer des marqueurs précoces du potentiel métastatique d'une tumeur. Leur analyse combinée pourrait ainsi renforcer la pertinence de la prédiction du phénomène et ainsi élaborer des traitements préventifs des métastases plus efficaces.
« Les immunothérapies tendant à renforcer la réponse des lymphocytes T améliorent la survie des malades ayant déjà des métastases. Nos résultats montrent qu'elles pourraient aussi bénéficier à des patients atteints de tumeurs localisées, mais ayant une réponse immunitaire faible, donc susceptibles de développer des métastases », estime Jérôme Galon, directeur de recherche à l’Inserm U 1138.