L’hypertension artérielle (HTA) sévère ne fait plus partie de la liste des affections de longue durée (ALD). La décision était entrée en vigueur le 27 juin 2011 mais les associations de patients plaçaient encore beaucoup d’espoir dans le recours déposé par trois d’entres elles auprès du Conseil d’Etat. Peine perdue, il vient d'être rejeté. Conséquence désormais actée pour les malades, la sécurité sociale ne prend plus en charge à 100% les traitements, consultations et hospitalisations causés par cette maladie. L’HTA touche plus de 11 millions de Français dont 4,2 millions sont en ALD. Chaque année elle est l’une des causes majeures des accidents cardiovasculaires et 50% des hypertendus sont mal contrôlés.
Or l’hypertension et les problèmes cardiovasculaires en général ne touchent pas équitablement toutes les catégories sociales. Les populations défavorisées sont clairement les plus touchées. « La suppression de l’ALD est très pénalisante pour les populations socialement fragilisées, regrette le Pr Jean-Jacques Mourad, à la tête de l’unité hypertension artérielle de l’hôpital Avicenne à Bobigny (93). Pas pour les plus précaires qui bénéficient de la CMU ou de l’aide médicale d’état mais pour les personnes âgées qui ont de toutes petites retraites. Leur cotisation de mutuelle, qui devient indispensable sans l’ALD, représente jusqu’à 10% de leur pension mensuelle »
Ecoutez le Pr Jean-Jacques Mourad, hypertensiologue à l’hôpital Avicenne à Bobigny (93) : « Il faut choisir entre manger et se soigner. Résultat : 20% des hypertendus ont renoncé à un soin cette année »
Cette décision avait été prise par l’ancien ministre de la Santé Xavier Bertrand au motif que l’hypertension sévère était un facteur de risque et non une maladie avérée. Faux, rétorquent les spécialistes. L’hypertension est considérée comme sévère lorsque la pression artérielle dépasse 18/11et que les reins, le cœur, les artères ou le cerveau en subissent des conséquences visibles. « Ces patients ont besoin d’un suivi plus régulier que les autres hypertendus, notamment pour prévenir un accident cardiaque ou un accident vasculaire cérébral », insiste Jean-Jacques Mourad.
En vérité, l’argument est d’ordre financier. La suppression de cette ALD doit permettre une économie de 20 millions d’euros par an pour l’assurance maladie. « Quand bien même ! A quoi servent ces économies à court terme, qui pour le moment ne sont que théoriques, si c’est pour devoir payer demain une augmentation des AVC et des maladies cardiaques ? Tout ça n’a aucun sens ! », s’emporte Joseph Girardeau, président de l’Alliance du cœur, une association de malades cardiovasculaires, à l’origine du recours rejeté par le Conseil d’Etat. « C’est à se demander s’il y a une politique de santé globale et cohérente en France. La décision du Conseil d’Etat a été rendue publique le jour même de la journée de prévention des AVC. Quel beau message », lâche Jean-Jacques Mourad, sarcastique.
Ce qui scandalise par dessus tout médecins et patients, c’est l’inégalité de droit aux soins que cette décision instaure. Les patients atteints d’une hypertension sévère avant juin 2011 continuent à bénéficier de la prise en charge à 100% tandis que ceux diagnostiqués depuis doivent s’acquitter du ticket modérateur. « Et on ne parle pas d’une maladie orpheline. L’hypertension sévère, c’est 50 000 nouveaux cas tous les 6 mois », souligne le spécialiste.
Ecoutez le Pr Jean-Jacques Mourad : « François Hollande nous avait dit qu’il corrigerait cette inégalité de santé. Aujourd’hui clairement, on laisse sur le carreau des milliers de patients ! »
Les spécialistes regroupés au sein du Comité français de lutte contre l’hypertension espèrent convaincre le gouvernement de créer une nouvelle affection de longue durée pour l’hypertension dite résistante. Sa définition est plus précise que celle de l’hypertension sévère puisqu’il s’agit des patients qui, malgré 3 médicaments anti-hypertenseurs, continuent à avoir une pression artérielle trop élevée. Pour le Pr Jean-Jacques Mourad, « il faut garantir à ces patients un parcours de soins dédié, articulé entre généralistes et spécialistes pour diminuer le risque cardiovasculaire de ces patients à court et à moyen terme. L’enjeu de santé publique est majeur ».
Le communiqué de le Fédération française de cardiologie et de l'association Alliance du cœur