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Selon les syndicats

Le projet de loi El Khomri menace la médecine du travail

Par Bruno Martrette

Dans le projet de loi El Khomri, les salariés du tertiaire et de l'encradrement ne devraient plus bénéficier de la médecine du travail. Les syndicats  sont vent debout. 

©123RF/kerdkanno

« Loi travail : non, merci ! » Postée sur le site change.org, cette pétition, à l'initiative de Caroline De Haas, a été signée par près de 1 million de Français. Un record atteint en seulement deux semaines qui fait le buzz de l'actualité.
Dans ce texte, la militante syndicale demande à la ministre du Travail, Myriam El Khomri,  de renoncer à son projet de loi visant à transformer en profondeur le Code du travail actuel. Parmi la longue liste des mesures décriées figurent : en cas de licenciement illégal, l’indemnité prud’homale serait plafonnée à 15 mois de salaire ; ou encore, les 11 heures de repos obligatoire par tranche de 24 heures qui pourraient être fractionnées.
Mais parmi les éléments proposés dans ce projet, des menaces pèsent également sur la médecine du travail, ont dénoncé ce mercredi des syndicats. Contacté par Pourquoidocteur, le Dr Bernard Salengro, président du syndicat des médecins du travail, estime que les salariés en seront les premières victimes.

Suppression de la visite d'embauche 

En effet, dans son chapitre 5, ces syndicalistes affirment que la loi El Khomri va démanteler la possibilité des salariés de contacter facilement le médecin du travail et donc de lui signaler ses problèmes. Ils craignent notamment que ne soient plus diagnostiquées « les nouvelles maladies » du travail, tel que le burn-out, le harcèlement, les risques psycho sociaux, et les effets non encore reconnus de certains produits chimiques (nanomatériaux, pesticides, rayonnements etc..).
Le texte prévoit, d'après eux, la suppression pure et simple de la visite d'embauche aujourd'hui obligatoire à chaque nouvel emploi.

Ecoutez...
Dr Bernard Salengro, président du syndicat des médecins du travail : « Je suis inquiet pour les salariés qui vont perdre un parapluie de protection. Ils n'auront plus qu'un accès virtuel au médecin du travail...»


En remplacement, la ministre envisagerait de mettre en place un système de suivi (par un infirmier ou une aide-soignante) piloté par les directions patronales pour organiser un contact avec les salariés tous les cinq ans, comme le recommandait le rapport du député de l'Isère Michel Issindou (PS) remis l'an dernier au gouvernement.

Vers une médecine sélectrice et de contrôle

Pour le Dr Salengro, ce projet de loi va aussi transformer « discrètement » les médecins du travail « de protecteurs en contrôleurs ». Avec en plus une discrimination entre salariés.
Ces praticiens ne verront plus que les sujets à risque pour eux-mêmes (salariés du bâtiment, de l'industrie, etc.), mais aussi, « et c'est la nouveauté », pour la sécurité des tiers, c'est-à-dire des clients ou des passants par exemple.

L'expert confédéral CFE-CGC (1) critique donc ce changement « vers une médecine du travail sélectrice et de contrôle ».
De plus, il regrette que ce projet de loi laisse aux employeurs la gestion des services de santé au travail et la décision du nombre de médecins nécessaire. « La conclusion est immédiate et déjà dans les faits : les pressions et menaces de licenciement de médecins du travail commencent », avertit la CFE-CGC.

Ecoutez...
Dr Bernard Salengro : « Dans le projet El Khomri tout est fait pour que l'employeur n'ait pas de contraintes, ni de surveillance. Et pour la santé au travail, c'est pareil...»

 

Enfin, Bernard Salengro reproche à l'Université de participer à « l'étranglement de la spécialité » par une politique de resserrement des formations : 94 médecins en exercice sur Paris avaient postulé pour devenir médecins du travail, seuls 21 ont été retenus « sous des prétextes fallacieux », écrit la CFE-CGC.
Pour toutes ces raisons, la Confédération dénonce ce démantèlement « qui va affaiblir la protection des salariés et aggravera les conditions de travail pour le tertiaire et l'encadrement, c'est-à-dire 80 % des emplois », exclus de facto de la médecine du travail.

(1) Confédération Française de l'Encadrement-Confédération Générale des Cadres

La mobilisation à venir des syndicats
Sept syndicats (CGT, FO, la FSU, Solidaires, l'UNEF, l'UNL et la FID) ont appelé ce jeudi à la grève et à la manifestation le 31 mars contre le projet de réforme du droit du travail.
« Le 31 mars, les salarié-es, les privé-es d'emplois, les jeunes, les retraité-es ont toutes les raisons de se mobiliser ensemble, par toutes les formes, y compris par la grève et les manifestations sur tout le territoire », ont-ils déclaré dans un communiqué.
Une mobilisation qui pourrait bien être suivie par la CFE-CGE qui a déjà écrit qu'elle s'opposera au démantèlement de la médecine du travail.
Côté gouvernement, on vient d'annoncer le report au 24 mars de la présentation du projet de loi El Khomri, initialement programmée le 9 mars en Conseil des ministres. D'ici là, il s’est engagé à consulter l'ensemble des partenaires sociaux : organisations syndicales et organisations patronales.