La mortalité repart à la hausse en France. Alors que la tendance était à la stabilité depuis le milieu des années 1940, l’année 2015 s’est distinguée par une forte hausse du nombre de décès. En cause : une épidémie de grippe particulièrement virulente en début d’année, un mois de juillet caniculaire et une vague de froid en octobre. Mais une tendance de fond s’observe depuis plusieurs années, et elle devrait s’accentuer. Deux chercheurs en expliquent les raisons dans la revue de l’Institut national d’études démographiques (Ined), Population & Sociétés. Entretien avec Gilles Pison, professeur au Muséum national d’histoire naturelle.
Depuis les années 1940, la mortalité était stable en France. Pourquoi ?
Gilles Pison : Deux facteurs expliquent ce maintien. L’espérance de vie à la naissance a beaucoup progressé, de 3 mois et demi par an en moyenne. Le second facteur, c’est l’effet des classes creuses, nées pendant la Première Guerre mondiale. De 1915 à 1919, les naissances ont été deux fois moins nombreuses qu’avant et après guerre. Quand elles sont arrivées aux âges élevés où se concentrent les décès – dans les années 1980 à 2000 – le niveau annuel de décès s’est maintenu à un niveau relativement faible. On a observé l’écho d’un phénomène qui remontait à 80-90 ans.
Comment expliquez-vous que les chiffres repartent à la hausse ?
Gilles Pison : Nous sommes entrés dans une nouvelle période, qui est à l’augmentation des décès. Elle devrait se développer au cours des prochaines décennies pour deux raisons. L’effet de ces classes creuses disparaît faute de survivants. Un deuxième phénomène joue : les baby-boomers – ces générations plus nombreuses qui correspondent aux naissances de 1946 à 1973 – deviennent des papy-boomers et arrivent aux âges où l’on meurt. Cela va gonfler le nombre annuel de décès dans les prochaines années, même si la durée de vie continue de s’allonger comme on l’observe régulièrement.
Quel est l’impact des épidémies et de la météo dans ces variations ?
Gilles Pison : Elles n’empêchent pas les grandes tendances de fond, mais ajoutent des fluctuations d’une année pour l’autre. Pour la plupart, elles tiennent aux épidémies de grippe : leur précocité, leur gravité et la mortalité qu’elles occasionnent. L’épidémie en cours, qui est presque à son sommet est assez peu meurtrière. En revanche, celle de l’an passé a été très meurtrière, d’où ce pic de mortalité en comparaison avec l’année 2014.
D’autres événements, comme la chaleur, se surajoutent. En 2003, la canicule a entraîné une surmortalité sur l’année et une sous-mortalité en 2004 par un effet de moisson. Une partie des personnes âgées et fragiles sont mortes prématurément, ce qui a déprimé les décès de 2004.