C'est un nouveau coup de théâtre dans l'interminable affaire Vincent Lambert. La juge des tutelles n'a en effet pas suivi les réquisitions du procureur de la République, qui avait souhaité lors de l'audience le 1er février dernier la désignation d'un tuteur extérieur pour ce patient en état végétatif depuis 2008 dont les proches se déchirent sur la fin de vie.
Ce jeudi matin sur France Bleu Champagne-Ardenne, son neveu, François Lambert, a annoncé que le juge des tutelles de Reims avait décidé de nommer Rachel Lambert comme tutrice de son mari. Une nomination qui va sans doute raviver les tensions au sein de cette famille puisque les parents de Vincent Lambert souhaitent maintenir en vie leur fils, contre l'avis de son épouse favorable à l'arrêt des traitements.
Les parents voulaient un juriste
Contacté récemment par Pourquoidocteur, Me Jean Paillot, l'avocat des parents, pensait, de son côté, que, « d'un point de vue juridique, l'épouse de Vincent Lambert n'est plus reconnue comme légitime pour parler au nom de son mari. Par ailleurs, le CHU de Reims ne souhaite toujours pas considérer ses parents comme les dits "protecteurs naturels" de Vincent. Je pense donc qu'en l'état actuel du conflit familial, ça ne peut être qu'une personne extérieure à la famille. Plutôt quelqu'un dont c'est l'activité professionnelle d'être tuteur. Souvent, ce sont des juristes », ajoutait-il.
Mais surtout, Me Jean Paillot et les parents voulaient que ce tuteur les accompagne dans leur demande de transfert de Vincent Lambert. « Du CHU de Reims vers un autre établissement de santé qui reprendra la kinésithérapie et une rééducation à la déglutition. Six se sont déjà portés candidats, indiquant être prêts à le prendre en charge », précisait l'avocat.
Le rôle déterminant du tuteur
Un scénario que n'envisageait pas l'autre camp, aujourd'hui entendu. Sa femme, notamment, milite depuis plusieurs années pour qu'un protocole de fin de vie soit entamé avec ce patient. Le Dr Eric Kariger, l'ex-médecin de Vincent Lambert, a souvent rappelé dans le passé que le rôle d'un tuteur est de défendre l'intérêt du majeur qui est protégé, « ses droits, ses volontés, etc ».
« Dans le contexte actuel, le tuteur qui va prendre en main la situation peut donc siffler la fin de la récréation », pensait-il interrogé par notre rédaction. Il ajoutait : « Il sera, par exemple, dans son bon droit s'il dit : "je souhaite respecter les volontés de Vincent, la décision de justice de la CEDH (1), et l'avis médical des experts, je ne m'opposerai pas à l'arrêt des soins qui est proposé ».
Enfin, à partir du moment où il y a un tuteur nommé, le Dr Eric Kariger soulignait que, « comme l'a rappelé la CEDH », il est son représental légal devant la justice. « S'il est d'accord pour qu'un autre protocole de fin de vie soit entamé, il n'y aura donc plus d'appel possible devant le tribunal administratif, comme cela a été le cas dans le passé. Le médecin qui l'entamerait serait donc "plus libre" s'il est soutenu par ce représentant légal », concluait-il.
Pour rappel, contre toute attente, les médecins de Vincent Lambert (avec à leur tête le Dr Daniel Simon) avaient décidé en juillet de le maintenir en vie et de suspendre la décision qui visait à arrêter les soins sur ce patient.
Victime de pressions, le CHU de Reims avait expliquait dans un communiqué que « les conditions de sérénité et de sécurité nécessaires à la poursuite de la procédure ne sont pas réunies ».
(1) Cour Européenne des Droits de l'Homme