Utilisé depuis plus de 15 ans pour des dysfonctions érectiles, le Sildénafil – molécule active du Viagra – pourrait bien favoriser le développement des mélanomes, d’après une étude parue dans Cell Reports. Une équipe de chercheurs de l’université de Tübingen (Allemagne) a montré que le mode d’action du médicament inhibe des processus qui ralentissent habituellement le développement de ces tumeurs.
Une étude sur 15 000 Américains, réalisée en 2014, avait montré un lien entre Sildénafil et un risque accru de mélanome malin. Cette corrélation avait été confirmée en 2015 sur 24 000 Suédois. Aucune des deux n’avait pourtant réussi à expliquer ce lien autrement que par le style de vie des sujets. Les personnes prenant du Viagra étaient en effet plus susceptibles que le reste de la population de passer des vacances au soleil et de bronzer dans des cabines à UV.
Une molécule qui favorise le mélanome stimulée
Le Viagra agit en inhibant une molécule, le PDE5, qui en inhibe elle-même une autre, la GPMc. La présence de cette dernière est donc augmentée lors de la prise de la petite pilule bleue, et c’est elle qui agit sur l’érection. « La PDE5 agit comme un frein sur la GMPc, explique le Pr Robert Feil de l’université de Tübingen. Lorsque les patients prennent du Sildénafil, ils désactivent ce frein. »
Les chercheurs allemands ont finalement expliqué pourquoi ce mécanisme favorisait les mélanomes. « Nous avons découvert que les cellules des mélanomes malins utilisent aussi le GMPc pour se développer », rapporte le Pr Feil. Lorsque le frein est lâché, le mélanome grandit plus rapidement.
Pas suffisant pour déconseiller le Viagra
Le Pr Feil tempère pourtant cette découverte, en estimant qu’il ne faut pas déconseiller aux hommes une utilisation occasionnelle du Sildénafil pour traiter les dysfonctions érectiles. S’il peut favoriser le développement des cancers de la peau, il ne serait cependant pas responsable de leur apparition.
« Nous supposons que le Sildénafil, comme d’autres inhibiteurs de PDE5, pourrait surtout favoriser la croissance des mélanomes existants, en particulier s’il est consommé fréquemment, et à de fortes doses », a-t-il estimé.
D’autant plus que la molécule est susceptible de ralentir le développement de certaines tumeurs intestinales par exemple, le bénéfice peut donc se retrouver ailleurs. Les patients atteints de mélanomes devraient quand même consulter leur médecin avant d’envisager l’utilisation du Viagra, conseille le chercheur. Mais la protection anti-UV est, d’après lui, beaucoup plus importante, car l’exposition au soleil est bien plus nuisible que les effets du Viagra.