Petit rectificatif. L’intoxication de 23 écoliers et de leur enseignante après des épandages de pesticides dans la commune de Villeneuve-de-Blaye en mai 2014, n’est pas liée à l’activité d’un viticulteur bio, comme a tenté de le faire croire la FDSEA Gironde (Fédération Départementale des Syndicats d'Exploitants Agricoles), qui représente les agriculteurs de la région.
Epandages aux heures de classes
Pour rappel, les faits se sont déroulés dans une école primaire située au milieu des vignes bordelaises. En fin de matinée, ce lundi de mai, les enfants et leur institutrice ont été pris de vertiges, picotements de la langue, nausées, maux de tête, douleurs dans la gorge, toux… Autour d’eux, les vignes sont en cours de traitement. Des produits phytosanitaires sont pulvérisés, à proximité, donc, de l’établissement.
L’affaire est sensible, dans cette commune viticole. La maire est elle-même propriétaire de l’une des deux parcelles qui jouxtent l’école. Le lien entre l’exposition aux pesticides dans l’école, et les symptômes observés chez ses occupants, est immédiatement remis en cause par plusieurs acteurs locaux.
Y compris par la FDSEA Gironde. Alors que riverains, médecins et professionnels réclament par le biais d’une pétition un traitement en bio et en dehors des heures d’école à proximité des établissements recevant des enfants, la Fédération, elle, dégaine un argument fort opportun permettant de disculper les pesticides de synthèse.
La faute au bio...!
Selon ses dires, l’intoxication des élèves serait liée à la pulvérisation de soufre par un viticulteur bio voisin. Et de conclure, dans un communiqué daté du 1er mars 2015 : « La pétition visant à traiter en bio à proximité des lieux sensibles est une fausse bonne idée ! »
Aujourd’hui, les associations environnementales et sanitaires impliquées dans cette affaire tiennent à remettre les points sur les i. Un document interne de l’Agence Régionale de Santé (ARS) Aquitaine, relayé par l’ONG Générations Futures, révèle la nature des substances détectées le jour de l’intoxication.
« Des tracteurs ont répandu le jour même des produits fongicides secondairement identifiés [par le centre anti-poison du CHU de Bordeaux] contenant les substances actives suivantes : le mancozèbe, le mefenoxam, la spiroxamine. (…) Les effets connus des fongicides identifiés sont concordants avec les symptômes décrits par les enfants et personnels de cette école. »
Ainsi, « il n’est pas possible d’exclure un lien être l’épandage de produits phytosanitaires et la survenue des symptômes », conclut prudemment l’ARS, tout en précisant qu’ « aucun lien de causalité ne peut être objectivé à ce jour » - comme souvent dans ce type d’affaire. Une information judiciaire a d’ailleurs été ouverte pour faire la lumière sur cet incident, si tant est qu’il demeure des points d’ombre.
Une taxe pour financer la « phytopharmacovigilance »
Depuis quelques mois, les entreprises qui commercialisent des produits phytopharmaceutiques (pesticides) doivent s’acquitter d’une taxe, fixée à 0,2 % de leur chiffre d’affaire.
Cette taxe doit financer le nouveau dispositif de phytopharmacovigilance mis en place par l’Anses fin 2014. Ce dispositif a pour objectif principal de « caractériser les effets éventuels des produits phytopharmaceutiques sur la santé humaine, la santé des écosystèmes, de la faune et de la flore et les contaminations des milieux par les produits phytopharmaceutiques ».
L'instauration d'une phytopharmacovigilance est une bonne nouvelle. Elle permettra, théoriquement, d'en savoir davantage sur les accidents liés (ou soupçonnés d’être liés…) à l’usage de pesticides, qui semblent se multiplier. Et pour cause : les riverains des vignes, vergers et champs sont directement exposés aux épandages de pesticides, comme l’a encore démontré l’enquête récente d’une association environnementale.