La France, généreuse, soigne tous ses malades. Mais jusqu’à quand ? Alors que la ligne « sociale-libérale » s’affirme plus que jamais au sein du gouvernement, l’hôpital devient, bon gré mal gré, une victime des cures d’austérité.
Dernière preuve en date : un projet de décret, qui se trouve actuellement dans les tuyaux du Conseil d’Etat. Ce projet prévoit de supprimer certains médicaments proposés dans le milieu hospitalier, dans le cadre de la « liste en sus ».
Toilettage de la liste
Cette liste a été mise en place pour permettre aux établissements de continuer à offrir des thérapies, notamment innovantes et très onéreuses, à leurs patients sans faire exploser leur budget. Ainsi, tous les médicaments inscrits sur la liste en sus sont intégralement pris en charge par l’Assurance Maladie ; ils ne font pas partie du forfait de soins des hôpitaux. En 2012, tous secteurs confondus, la dépense liée aux médicaments de la liste en sus s’est élevée à 2,6 milliards d’euros.
Sauf que le projet de décret prévoit de supprimer de la liste les médicaments dont l’ASMR est mineure (IV) ou inexistante (V). L’Amélioration du Service Médical Rendu est une sorte de note délivrée aux nouveaux médicaments commercialisés pour juger de leur valeur ajoutée par rapport à l’offre thérapeutique existante.
Un traitement peut donc avoir un excellent service médical rendu (SMR), gage de son efficacité, mais une ASMR mineure, si une autre molécule disponible sur le marché fait aussi bien ou encore mieux que lui.
L’idée, à travers ces nouveaux critères d’inscription sur la liste en sus, est bien sûr de faire des économies. Il s’agit ainsi de faire le ménage sur cette liste très coûteuse. Le décret suit des recommandations du Conseil de l’Hospitalisation, seul habilité à décider des spécialités pouvant être ajoutées ou supprimées de cette liste.
"Inégalités d'accès aux soins"
Dans une lettre adressée à la ministre de la Santé, le Leem, syndicat qui représente les industriels du médicament, s’alarme de ce projet de décret qui pourrait, selon lui, « donner lieu à des situations critiques de pertes de chances pour les patients » et introduire une « potentielle inégalité d’accès aux soins ».
Par ailleurs, « beaucoup de ces médicaments sont indiqués dans le traitement des cancers, et si certains d'entre eux ne permettent pas d'allonger significativement la survie du patient, ils améliorent de beaucoup leur qualité de vie », un élément qui n'est « malheureusement pas pris en compte » par l’ASMR, estime le syndicat.
Dans ce document, que nous avons pu consulter, le Leem remet en cause les deux exceptions prévues dans le projet de décret. La première permettrait de conserver les médicaments d’ASMR IV s’ils sont jugés « d’intérêt public ». Cela exclurait de fait les médicaments dits orphelins, conçus pour traiter des maladies rares, avec une population cible très réduite, selon le Leem.
La seconde exception prévoirait de conserver ces médicaments s’il n’existe aucun « comparateur cliniquement pertinent » - autrement dit, aucune alternative thérapeutique. Pour le Leem, cette notion n’est « pas définie juridiquement » et pourrait donner lieu à des abus. Certains médicaments jugés équivalents pourraient ainsi exclure d’autres traitements de la liste, ce que le syndicat dénonce.
Problématique sociétale et industrielle
Car au-delà de la problématique médico-économique de l’accès aux soins, ce projet de décret revêt des enjeux industriels éminents. Des médicaments tels que l’Avastin, premier poste de dépense de la liste en sus, pourraient en effet en être retirées. Cet anticancéreux possède une ASMR V dans l’indication du cancer de l’ovaire. Etant donnée la richesse de l’offre thérapeutique, de très nombreux médicaments de la liste possèdent une ASMR mineure ou inexistante.
La France, généreuse, soigne tous ses malades. Mais jusqu’à quand ?
Posté par Pourquoi docteur sur samedi 12 mars 2016