Après son coup d’éclat dans les médias en octobre dernier, la start-up marseillaise Biosantech est de retour sur le devant de la scène médiatique. Et cette-fois, le laboratoire, qui mène un essai de phase IIa sur un vaccin curatif contre le VIH, arrive avec des arguments un peu plus convaincants qu’il y a 5 mois : le porteur du projet, le Dr Erwann Loret assure lui-même la communication des derniers résultats, qui sont enfin publiés dans une revue scientifique à comité de lecture… Enfin presque, car une nouvelle fois l’équipe de Biosantech brise les codes, et a choisi de s’exprimer sur son vaccin dans le quotidien régional La Provence, quatre jours avant la publication officielle des résultats ! Une démarche qui, une fois de plus, a provoqué un tollé parmi les spécialistes du VIH. Une stratégie iconoclaste, « disruptive » peut-on lire dans les Echos, mais qui à force d’agacer pourrait nuire au projet.
« Un formidable espoir ». C’est en ces mots qu'Erwann Loret n’a pas hésité à parler de « son » vaccin contre le sida, dans La Provence, quotidien qui suit de près le projet depuis ses débuts, il y a une quinzaine d'années. Le chemin aura été long pour le Dr Loret, qui, il est vrai, n’apparaît jamais parmi les sommités françaises de la lutte contre le sida.
Bon gré mal gré, il a fini par parvenir en 2013 à lancer un premier essai chez l’homme de son vaccin curatif. Si le parcours du scientifique n’est pas un long fleuve tranquille, son projet semble scientifiquement solide, et reçoit la validation de l’Agence nationale de sécurité du médicament. Mais déjà à l’époque, le projet ne semble pas emballer les spécialistes du VIH. Interviewé par Le Figaro, le Pr Jean-François Delfraissy, directeur de l'Agence nationale de recherches sur le sida, jugeait ce vaccin « intéressant » mais invitait surtout à la prudence : « Ce produit ne pourrait pas se substituer aux traitements actuels. En tout cas, pas à court terme. Ce sera avant tout un outil supplémentaire pour aider à contrôler le virus du sida chez les patients. » Le virologue soulignait aussi à l’époque que des essais de vaccins, curatifs entre autres, étaient nombreux dans le monde, laissant penser que finalement, ce projet français ne méritait pas une telle exposition médiatique.
Mais un projet de recherche sur un sujet aussi sensible que celui du sida, et mené de manière totalement hors normes, a de quoi fasciner les médias, peut-être trop. Erwann Loret a toujours souligné dans ses interviews le manque de soutien financier dont il avait fait l’objet. Et c’est finalement grâce à un financement participatif que l’essai a pu être mené. Du « crowdfunding » dans la recherche académique, ce n’est pas banal. Bousculer les cadres établis est toujours risqué, et finalement, Erwann Loret paye peut-être son esprit novateur.
Mais « disrupter » les codes n’empêche pas de respecter un pilier fondamental de la recherche : l’éthique. Or Biosantech a commis plusieurs erreurs de parcours, qu’elle paye aujourd’hui. L’événement le plus récent est la conférence de presse, tenue à l’automne 2015, pour annoncer des résultats, sans aucune preuve scientifiquement validée à l’appui. Un coup de com’ d’autant plus mal accueilli que c’est Corinne Treger, kinésithérapeute de formation et présidente de Biosantech depuis le décès de son époux, qui avait assuré le battage médiatique, avec un professionnalisme discutable.
Une interview sur France Info avait particulièrement choqué. Madame Treger avait lâché qu’elle n’avait pas de temps à perdre avec les publications scientifiques… C’est sans doute une des raisons qui explique qu’aujourd’hui Erwann Loret assure à nouveau la communication au sujet de son projet et de ses résultats, malgré des relations parfois houleuses avec la direction de Biosantech.
Cette fois-ci, le scientifique s’appuie sur des résultats qu’il juge encourageants, mais qu’aucun média n’a encore pu consulter. Le Pr Jean-François Delfraissy l’a lui visiblement fait. Comme le rapporte le Figaro, le directeur de l'ANRS a confié au Généraliste « ne pas décolérer » depuis l’annonce de Biosantech. Son jugement sur les résultat est cinglant : « Il n'existe aucune donnée en faveur de ce candidat vaccin. Quelle que soit la dose administrée, aucune différence significative entre les doses de vaccin n'apparaît, notamment en matière de résultats sur la charge plasmatique virale. De plus, il n'existe aucune donnée solide sur l'effet de ce vaccin sur les cellules infectées et le DNA proviral ». Coup de com’ ou vraie avancée scientifique, le suspens sera enfin levé ce jeudi, date de parution de l’étude du Dr Loret dans la revue Retrovirology.