Les néonicotinoïdes ne sont plus les bienvenus en France. L’Assemblée Nationale a adopté ce jeudi un amendement dans le cadre de la loi biodiversité. Le texte prévoit d’interdire ces pesticides qui menacent la survie des abeilles et portent atteinte à la santé des humains.
Pour laisser le temps aux agriculteurs de déployer des alternatives, l’amendement n’entrera en vigueur qu’au 1er septembre 2018, au grand dam des associations environnementales, mais il ne prévoit aucune dérogation – détail de la plus haute importance, alors que les industriels ont l’art de transformer des dérogations en règles de principe.
Pression des lobbys et du gouvernement
Le texte, porté par le président de la commission du Développement durable, Jean-Paul Chanteguet (PS), a été adopté in extremis – à 30 voix contre 28 – au terme d’intenses débats parlementaires. Il a pour objectif d'« adresser un signal fort aux groupes chimiques, aux agriculteurs, et à l'exécutif », a déclaré ce député, tout en dénonçant des « pressions de la part des lobbys agro-industriels mais aussi de l'exécutif ».
En effet, la semaine dernière, le ministre de l’Agriculture, Stéphane Le Foll, a transmis une lettre aux députés pour leur demander de ne pas créer d’« interdictions brutales » pour éviter les « distorsions » de concurrence entre Etats européens.
Certains députés LR et UDI ont reproché aux partisans de l’interdiction de « rechercher une victoire symbolique, politique, médiatique », et ont estimé que la mesure allait encore « pénaliser » les agriculteurs français. Sur BFMTV, Ségolène Royal s’est dite « peu surprise » par ces procédés. La ministre de l’Environnement a toutefois fustigé « les combats d'arrière-garde sur le maintien notamment des pesticides ».
Neurotoxiques
Sous l’impulsion de la France, l'Union européenne a restreint l'usage de certains néonicotinoïdes en 2013, mais ces pesticides restent très largement utilisés. A l’époque, l’agence européenne de sécurité sanitaire, l’EFSA, pourtant peu réputée pour son alarmisme débordant, avait pointé les effets neurotoxiques de deux néonicotinoïdes (l'acétamipride et l'imidaclopride) sur l’être humain. Ces substances « peuvent affecter de façon défavorable le développement des neurones et des structures cérébrales associées à des fonctions telles que l'apprentissage et la mémoire », a précisé l’agence.
Le texte prévoit de fixer la liste des alternatives aux néonicotinoïdes sur la base d'un avis de l'Anses (l'Agence française de sécurité alimentaire et sanitaire). « Le législateur doit prendre ses responsabilités en interdisant l'utilisation de ces molécules, tout en permettant à la profession agricole de s'adapter », a plaidé l'auteur de la mesure dans son exposé des motifs.
L’amendement doit encore être validé par le Sénat, qui l’avait rejeté en première lecture, puis il reviendra entre les mains des députés. Son avenir n’est donc pas totalement scellé ; les sénateurs pourraient introduire des dérogations à l’interdiction par voie d’amendement.