L’allongement de l’espérance de vie s’est accompagné d’une augmentation des années de vie avec une ou plusieurs maladies chroniques. Les ordonnances des personnes âgées se sont donc elles aussi allongées. Une polymédication qui comporte des risques importants d’effets indésirables et d’interactions médicamenteuses potentiellement mortelles.
Dans notre société vieillissante, cet excès de médicaments est un enjeu de santé publique. Mais à en croire une étude américaine, parue dans le JAMA Internal Medicine, les ordonnances de nos aînés sont loin de s'alléger.
Des chercheurs de l’université de l’Illinois à Chicago ont interviewé à domicile plus de 2 300 personnes de plus de 62 ans, entre 2005 et 2006, puis une seconde fois entre 2010 et 2011. Au cours de ces 5 années de suivi, la consommation simultanée d’au moins 5 médicaments disponibles sur prescription est passée de 30,6 % à 35,8 %.
Des combinaisons nocives
En France, environ 80 % des personnes de plus de 75 ans prennent 5 médicaments, et plus d’un tiers des seniors utilisent 10 médicaments régulièrement, selon un rapport de l’Institut de recherche et documentation en économie de la santé (Irdes). Or, ces cocktails médicamenteux sont loin d’être anodins.
Selon l’analyse des chercheurs américains, 1 senior sur 6 en 2010-2011 est à risque de très graves effets indésirables liés à des interactions médicamenteuses alors que 5 ans plutôt moins d’une personnes sur 10 était concernée.
Pour les chercheurs cette aggravation du phénomène est due à un meilleur accès au système de santé, aux révisions des recommandations, ainsi qu’une disponibilité accrue de certains médicaments grâce aux génériques. Ils citent l’exemple de la simvastatine, un des traitements les plus prescrits chez les personnes âgées qui permet de réduire le taux de cholestérol. En dix ans, la prescription a doublé. Mais les interactions médicamenteuses sont nombreuses notamment avec des antibiotiques, ou certains anti-hypertenseurs.
« De nombreux patients souhaitent améliorer leur santé cardiovasculaire alors ils combinent régulièrement des médicaments qui en réalité aggravent leur maladie, explique Dima Mazen Qato, professeur de pharmacologie et responsable des travaux. Par exemple, les patients mélangent le clopidogrel (un antiagrégant plaquettaire, ndlr), avec un inhibiteur de pompes à proton, ou de l’aspirine. Or ces médicaments augmentent le risque de crise cardiaque, d’hémorragies et de mortalité. »
Complément alimentaire, l'autre danger
En outre, ces interactions dangereuses ne sont pas uniquement provoquées par un mélange de médicaments. La prise régulière de compléments alimentaires est aussi source de graves complications. En effet, certains peuvent modifier le processus d’absorption du médicament ce qui pourrait induire une inefficacité de celui-ci.
Ces substances peuvent aussi entraîner des troubles cardiaques, des douleurs thoraciques ou encore des maux de tête. Pourtant, l’engouement pour ces produits ne cesse de croître : en 5 ans, la combinaison de médicaments et de compléments alimentaires a fortement augmenté passant de 51,8 % à 63,7 %.
Ainsi, les chercheurs insistent sur le rôle crucial des prescripteurs. Ces derniers sont en première ligne pour questionner les patients sur leur consommation médicamenteuse, aussi bien de traitements prescrits sur ordonnance ou acheter librement.