« C’est un véritable tournant thérapeutique et il pourrait bien révolutionner le traitement des maladies auto-immunes, explique le Pr Patrice Cacoub, qui exerce au service de médecine interne à l’hôpital de la Pitié-Salpétrière. Son équipe a utilisé pour la première fois l'interleukine 2 à faibles doses pour traiter une vascularite auto-immune, une maladie qui détruit les parois des veines et des artères. L’utilisation de l’interleukine 2, une susbstance de communication fabriquée par les cellules du système immunitaire, est une stratégie novatrice car, jusqu’à présent, l’IL2 est utilisée en cancérologie, comme dans le traitement du cancer du rein ou le mélanome.
Cette molécule est utilisée pour sa capacité à renforcer les lymphocytes T effecteurs, autrement dit les lymphocytes « tueurs » de cellules cancérigènes. Mais il faut rappeler qu'elle stimule aussi les lymphocytes T régulateurs, ceux qui doivent notamment prévenir l'apparition de désordre immunitaire... C’est pour ce deuxième pouvoir que l’IL2 a été utilisé dans le traitement des vascularites. D’ailleurs, l'équipe des Prs Patrice Cacoub et David Klatzmann avaient montré que les personnes souffrant de vascularites induites par l'hépatite C présentent un déficit en lymphocytes T régulateurs... D'où l'idée de faire un essai thérapeutique chez ces patients avec l'IL2. Tout l'enjeu est de booster les lymphocytes régulateurs mais sans sur-activer les lymphocytes tueurs.
Pour cela, il fallait trouver le bon dosage. « Dix personnes souffrant de ces complications, et qui étaient réfractaires au traitement conventionnel, ont été traitées par des injections sous-cutanées d'interleukine 2 à des doses 10 fois moins élevées qu'en cancérologie. Ils ont eu quatre cures de 5 jours à trois semaines d'intervalles, précise Patrice Cacoub, qui a publié les résultats après six mois de suivi dans le New England Journal of Medicine. « Nous avons démontré que le traitement augmente bien le nombre de T régulateurs, les patients partent avec des taux inférieurs à 3% en moyenne et ils remontent à 8, 10, 12 %. Et au bout de six mois, la tolérance était bonne, les malades n’ont pas eu de poussée inflammatoire avec le traitement ».
Pr Patrice Cacoub, hôpital La Pitié Salpêtrière, Paris: "De bons résultats avec une tolérance parfaite"
Les résultats de cet essai dépasse le cadre des vascularites. En effet, beaucoup d'autres maladies auto-immunes présentent un déficit en lymphocytes T régulateurs. « Ce traitement avec des interleukines 2 à faibles doses a un potentiel très important : diabète de type 1, sclérose en plaques, lupus, polyarthrite rhumatoide… » s’enthousiasme Patrice Cacoub qui a déjà lancé un essai chez des personnes souffrant d’un diabète de type 1.
Pr Patrice Cacoub: "Un potentiel très important" dans plusieurs maladies.