Pas à pas, le parcours de Zika se dessine. Parti d’une forêt en Ouganda dans les années 1960, ce virus transmis par le moustique Aedes s’est propagé en Asie puis dans le Pacifique. C’est dans cette région paradisiaque qu’il provoqua sa première épidémie sur l’île de Yap en Micronésie en 2007. Six ans plus tard, il atteindra la Polynésie Française où son ombre plane sur une dizaine d’enfants nés avec une microcéphalie, et une quarantaine de cas de syndrome de Guillain-Barré.
Aujourd’hui, ce sont les Caraïbes et l’Amérique du Sud qui tremblent. En mai 2015, ce virus émergent, cousin de la dengue et du chikungunya, est détecté pour la première fois au Brésil. Quand est-il est arrivé aux Amériques ? Comment a-t-il été introduit ? Par qui ? Une équipe de chercheurs britanniques et brésiliens ont percé le mystère en retraçant son parcours sur le continent américain grâce au séquençage génomique. Ils publient leur découverte dans le journal Science.
Un ancêtre commun
Les scientifiques de l’université d’Oxford (Royaume-Uni) et de l’Institut Evandro Chagas (Brésil) ont analysé 7 séquences d’ADN viral issues d’échantillons sanguins prélevés chez un nourrisson atteint de microcéphalie, un adulte décédé, un donneur de sang et 4 autres personnes infectées par Zika. « Aucun de ces patients Brésiliens n’ont rapporté avoir voyagé à l’étranger », précisent les auteurs. Ces analyses révèlent que les souches virales circulant actuellement au Brésil sont issues de la lignée asiatique et qu’elles partagent un ancêtre commun avec le virus responsable de l’épidémie de 2013-2014 en Polynésie française.
Grâce à ces séquences génomiques, les chercheurs ont également pu remonter dans le temps. Au vu des modifications génétiques observées, les chercheurs affirment que Zika est d’abord arrivé au Brésil avant de se propager dans les pays voisins. Ils supposent qu’il a été introduit dans le pays entre mai et décembre 2013.
Pour comprendre par quelle voie Zika a pu arriver sur le continent américain, les chercheurs ont examiné les flux aériens entre le Brésil et les pays rapportant une épidémie de Zika. Ils découvrent alors que depuis la fin de l’année 2012, le nombre de passagers aériens vivant dans les zones endémiques et se rendant au Brésil a augmenté de 50 %. A cette période, plusieurs évènements sportifs comme la Coupe du monde de football 2014 et la Coupe des confédérations de la FIFA en 2013 se sont tenus au Brésil. Lors de cette dernière compétition, une équipe de la Polynésie française a participé. De ce fait, les chercheurs penchent en faveur de cette hypothèse.
Invisible pendant plus d'un an
« Si l’épidémie de Zika au Brésil résulte d’une seule entrée sur le territoire alors le virus a dû circuler dans le pays au moins 12 mois avant que le premier cas ne soit rapporté en mai 2015 », relèvent les auteurs. Une hypothèse plausible puisque l’infection par le virus Zika provoque des symptômes similaires à ceux de la dengue et du chikungunya (fièvre, éruptions cutanés, courbatures, conjonctivite) transmis eux aussi par le moustique Aedes. Ils n'écartent pas non plus la possibilité que le virus aient été introduit à plusieurs reprises.
Pour confirmer toutes ces hypothèses, les chercheurs auront besoin d’un matériel génétique beaucoup plus important. Sans cela, il est impossible de comprendre l’origine et la propagation spatio-temporelle du virus aux Amériques et en Brésil. Ces informations sont également indispensables pour confirmer le lien entre le virus et les cas de microcéphalie. Les chercheurs ont donc encore beaucoup à faire pour résoudre les mystères qui entourent le virus Zika.