Comprendre l’essence génétique de la vie. C’est la mission que s’est attribuée Craig Venter, le célèbre biologiste-généticien-homme d’affaires américain. Son équipe a franchi une nouvelle étape de cette quête, en créant grâce à un ADN synthétique l’organisme vivant comptant le moins de gènes : 473 seulement. La revue scientifique Science a publié ses résultats étonnants hier.
Son petit nom : Syn 3.0. Cette bactérie a été créée au John Craig Venter Institute (JCVI) à la Jolla en Californie (Etats-Unis). Elle a été enfantée à partir de Syn 1.0, le premier organisme vivant dont le génome a été totalement synthétisé en 2010, toujours par l’équipe du biologiste américain,. En tentant des coupes successives dans son ADN formé de 901 gènes, les chercheurs ont éliminé ceux qui s’avéraient inutiles, ou qui faisaient doublon.
« La meilleure façon de comprendre la vie, c'est de créer le génome le plus simple », a expliqué Craig Venter à l’AFP. « Si on ne comprend pas comment vole un Boeing 777, on retire des pièces une à une, jusqu'à ce que l'avion ne puisse plus voler ».
Dès que l’avion ne pouvait plus voler, que la bactérie n’était pas viable, les chercheurs faisaient marche arrière. Ils ont répété l’opération jusqu’à obtenir le génome le plus concentré, presque deux fois plus petit que l’original. Le processus a demandé des centaines d’essais, expliquent-ils.
Pourquoi le petit dernier ne s’appelle-t-il pas Syn 2.0 ? Tout simplement parce que celui-ci, obtenu il y a quelques mois, n’était qu’une étape intermédiaire : c’était l’organisme vivant avec le plus petit génome connu (525 gènes), mais il encore réductible.
Un génome défragmenté
« C’est une étape importante vers la création d’un organisme pour lequel le génome est totalement défini », explique Chris Voigt, spécialiste de la biologie de synthèse au MIT (Etats-Unis). Ce n’est qu’une étape, car l’utilité d’à peu près un tiers des gènes de la bactérie de synthèse (149 sur 473) demeure inconnue, mais est visiblement indispensable.
Syn 3.0 sera néanmoins profitable aux biologistes qui étudieront à l’avenir la bactérie de synthèse, car ils pourront analyser l’équivalent en ADN de la structure d’un disque dur défragmenté, estime Chris Voigt.
Le génome humain compte environ 20 000 gènes, soit plus de 40 fois plus que Syn 3.0. Mais c’est encore bien moins que celui d’une plante record en terme d’ADN, Paris japonica, qui en compte encore 50 fois plus.