Les listes d’attente pour les greffes d’organes s’allongent partout dans le monde. Pour des patients séropositifs, l’attente peut se faire encore plus longue. Les progrès, dans les traitements contre le VIH et dans les techniques de transplantation, permettent maintenant le don d’organe entre personnes séropositives. Le centre médical John Hopkins de Baltimore (États-Unis) a annoncé hier le succès des deux premières greffes américaines, l’une du foie et l’autre du rein.
Après avoir mis en place des protocoles assurant la sécurité de la transplantation, et reçu l’aval d’un conseil d’éthique et de l’administration américaine chargée du don d’organes, ils ont pu opérer. Les deux patients transplantés sont en bonne santé, et l’un d’eux est même déjà rentré chez lui.
« Nous jetons des organes »
« Des milliers de patients infectés par le VIH qui ont besoin d’un don de rein ou de foie figurent sur des listes d’attentes, et ont de fortes chances de mourir en attendant, regrette le Dr Dorry Segev, le chirurgien qui a dirigé l’équipe de transplantation. Dans le même temps, nous jetons des organes uniquement parce que les donneurs sont séropositifs. Des organes qui auraient parfaitement pu convenir. »
Cette procédure a été rendue possible sous l’administration Obama par le HOPE Act, signé en novembre 2013, autorisant le don d’organes en provenance de personnes séropositives. Suites à des contaminations dans les années 1980, une loi les avait déclarées illégales.
Une meilleure gestion de l’immunosuppression
Les médecins étaient aussi réticents à l’idée d’utiliser des organes infectés. En effet, les greffes nécessitent la prise de médicaments qui affaiblissent le système immunitaire, tout comme le virus du sida. Les chirurgiens redoutaient alors que les transplantations fassent plus de mal que de bien.
Mais l’évolution des traitements ont écarté ces risques. Une étude parue en 2010 a montré que les receveurs séropositifs présentaient des résultats à moyen terme aussi bons que les autres.
La France y réfléchit
Les États-Unis ont pris exemple sur l'Afrique du Sud, qui a déjà pratiqué ces transplantations avec succès sur plusieurs dizaines de patients. Dans ce pays où plus d'une personne sur cinq est atteinte par le virus du Sida, une telle avancée était primordiale.
En France, depuis 2015, le don d’organes est autorisé pour les personnes infectées par le virus de l’hépatite C, sous certaines conditions. Il n’est en revanche pas encore ouvert aux séropositifs. « Des associations de patients nous ont contactés dans ce sens, explique à Pourquoidocteur le Pr Olivier Bastien, directeur du prélèvement et de la greffe organes-tissus à l’Agence de la biomédecine. Des réflexions ont été engagées, mais aucune décision n’a encore été rendue. »
« Il faut cependant bien préciser qu’aucune discrimination n’est faite par rapport à l’éventuelle séropositivité du receveur, insiste-t-il. Au contraire, c’est du côté des donneurs que les séropositifs se sentent rejetés ». Il souligne cependant quelques obstacles à étudier. Les néphrologues, par exemple, émettent quelques réserves car les patients séropositifs sous trithérapie peuvent présenter des lésions rénales.
Du côté américain, si les résultats sont probants, le Dr Segev estime que cette source d’organes pourrait fournir quelques milliers de greffons supplémentaires chaque année. Un apport modéré par rapport aux demandes, mais qui pourrait raccourcir les délais d'attente pour les séropositifs et améliorer le traitement des cas les plus urgents. Les patients en attente de greffe pourront évidemment toujours recevoir les greffons habituels mais ils pourront maintenant faire le choix, plus rapide, de recevoir un organe provenant d’une personne infectée par le VIH.