« Bye bye tattoo, réfléchissez bien les plus jeunes...» C'est le message posté sur Instagram il y a quelques jours par le chanteur Matt Pokora. Très populaire auprès des adolescents, la star de la comédie musicale "Robin des Bois" arbore depuis des années des dessins à l'encre de la tête aux pieds. Avec des regrets visiblement. Lors de sa dernière séance chez le dermatologue, il commente en effet « ça pique » avec un large pansement scotché à son cou.
Et à la vue du succès énorme du Mondial du tatouage organisé à Paris début mars, on imagine que le chanteur n'est pas le seul dans ce cas. En France, la dernière étude sur le sujet réalisée par l'Ifop en 2010 montrait que 10 % de la population est piquée par des pigments. Dans la tranche des 25-34 ans, c'est même une personne sur cinq qui a déjà eu affaire à l'aiguille d'un tatoueur.
« Face à ces chiffres, la mise en garde du chanteur est un message de prévention important », pense le Dr Jean-Michel Mazer contacté par Pourquoidocteur. Médecin laseriste à Paris, il évoque le parcours du combattant du détatouage.
Quelles sont les méthodes de détatouage actuelles ?
Dr Jean-Michel Mazer : En théorie, il en existe plusieurs. On a la chirurgie qui est possible pour un tout petit tatouage qu'on veut faire enlever tout de suite. Mais elle n'est quasiment plus pratiquée car elle laisse une cicatrice. Sinon, il y a des techniques par brûlures, soit avec des peelings forts, soit grâce à des crèmes (composées d'acides) que l'on trouve dans le commerce. Le problème est que là encore des cicatrices restent, ces méthodes sont donc en train d'être abandonnées.
Enfin, nous avons les lasers qui sont majoritairement utilisés aujourd'hui. Ils ont un mode d'action particulier dit "mécanique". Ils cassent les gouttes d'encre qui forment le tatouage. Sans cicatrices.
Se faire détatouer avec un laser est-il rapide ?
Dr Jean-Michel Mazer : Non, c'est une aventure dans laquelle les patients doivent être patients et courageux. Une séance de laser fait mal, c'est un peu comme un tatouage. Mais on peut mettre des crèmes anesthésiques qui rendent la douleur supportable.
Heureusement, car se faire détatouer est très long. Avec certains lasers, il faut compter en moyenne 10-15 séances espacées de deux mois, en ne traitant jamais sur peau bronzée ou si la personne part au soleil. En tout, 3 ans de traitement seront nécessaires.
Avec d'autres lasers, c'est un peu plus rapide, il faut compter 12 séances qui peuvent par contre se faire tous les mois. Cela prendra donc au final un peu plus d'un an. Je ne vous cache pas que les patients trouvent le temps de traitement beaucoup trop long. Je rappelle que quand on commence à détatouer, on abîme le tatouage. Il va pâlir et très rapidement ça ne ressemble plus à rien !
Existe-t-il des tatouages plus tenaces que d'autres ?
Dr Jean-Michel Mazer : Oui, il y a, c'est vrai, des tatouages plus faciles à enlever que d'autres. Ce sont les monochromes noirs à l'encre de chine. Il faut souvent moins de 10 séances pour les enlever. Dès qu'il y a des couleurs, il faudra compter plus. Comme avec les tattoos bleus clairs ou verts, très à la mode actuellement, mais qui ne sont pas toujours faciles à faire partir. Et le jaune est aussi très difficile.
Par ailleurs, concernant les zones du corps, je déconseillerais le cou pour lequel nous sommes contraints de baisser la puissance du laser afin d'éviter les cicatrices. Ils sont donc particulièrement compliqués à effacer.
Enfin, les peaux très pigmentées nous posent des problèmes spécifiques, avec certaines longueurs d'ondes du laser qui sont dangereuses (sur une peau noire par exemple). C'est le cas d'un tatouage rouge, qui sur ce type de peau-là, peut entraîner une dépigmentation si l'on utilise pas le bon laser. Dans ce cas, le tatouage va être remplacé par une tache blanche, non esthétique.
Financièrement, c'est à la portée de tout le monde ?
Dr Jean-Michel Mazer : Ca dépend de la surface, mais faire disparaître un tatouage moyen (un papillon sur l'épaule par exemple) coûte de 200 à 250 euros suivant le type de laser par séance, soit de 2 400 à 3 000 euros pour douze séances. Globalement, le laser reste très cher. Et si on rajoute les prix élevés pratiqués par certains tatoueurs la facture devient salée !
Comment se passe l'après séance de laser, la calvaire est-il terminé ?
Dr Jean-Michel Mazer : Il y a toujours des suites désagréables, ça tire. Il faudra même utiliser des pansements pour certains lasers qui laissent des croûtes. Mais ça ne semble pas décourager les patients puisque dans mon centre, j'ai chaque semaine 40 personnes qui viennent se faire détatouer. Et ça ne désemplit pas ! C'est devenu l'une des activités les plus importantes de notre structure. Comme aux Etats-Unis, je pense qu'en France, on ne doit pas être loin des 20 % de tatoués qui décident de faire marche arrière. Certaines professions comme la police les ont longtemps interdits. Dans d'autres métiers, ça reste encore très mal vu. Ma dernière cliente était une hôtesse de l'air.
Comme M. Pokora je répète aux jeunes, réfléchissez bien !
Les règles d’hygiène et de salubrité
Le tatouage comporte des risques pour la santé liés aux pratiques et aux produits. Le risque de transmission de virus par le sang (virus des hépatites B et C, virus de l’immunodéficience humain) et d’infections bactériennes peut être maîtrisé par le respect des bonnes pratiques d’hygiène (1). La réglementation limite par ailleurs l’emploi de certains produits et substances dans les encres de tatouage afin de prévenir les risques toxiques.
Tatouage, y compris maquillage permanent
Les règles applicables (2) comportent notamment :
- l’utilisation systématique de matériel à usage unique, chaque fois que ce matériel existe. A défaut, les matériels auront été stérilisés ou désinfectés selon leur nature ;
- le respect des règles concernant l’hygiène des mains par lavage ou friction hydro-alcoolique ;
- le port de gants ;
- la désinfection de la peau ou de la muqueuse du client ;
- l’organisation des locaux et leur entretien.
Envie comme M Pokora de vous "débarrasser" d'un tatouage ? Les conseils du Dr Mazer, dermatologue.
Posté par Pourquoi docteur sur vendredi 8 avril 2016