L’anorexie mentale n’est pas un trouble lié exclusivement à l’adolescence. Le décès jeudi dernier, à 58 ans, de Laurence Chirac l’a rappelé. Suite à un malaise cardiaque, et malgré une réanimation, la fille aînée de l’ancien Président de la République était tombée dans un coma dont elle ne s’est pas réveillée.
Depuis l’âge de 15 ans, elle souffrait de cette maladie qui a transformé à jamais une petite fille joyeuse. « Cela a été et c’est le drame de ma vie », avait confié Jacques Chirac. Une maladie qui a aussi poussé sa mère, Bernadette Chirac, à s’investir dans l’amélioration des conditions de vie des enfants dans les hôpitaux, notamment à travers l’opération Pièces jaunes.
Traitée par les meilleurs psychiatres, la jeune femme avait pu commencer des études de médecine, qu’elle a finalement arrêtées au moment de l’internat, alors qu’elle ne pesait plus que 27 kg.
En 1990, à 32 ans, alors que ses parents étaient en voyage en Thaïlande, Laurence Chirac avait fait sa première tentative de suicide en se défenestrant du quatrième étage. Le premier épisode d’une longue série qui l’a laissée handicapée.
La succession des évènements de la vie de la fille de l’ancien Président est représentative du poids de l’anorexie à l’âge adulte. Le Dr Xavier Pommereau, psychiatre spécialiste des troubles du comportement alimentaire, explique les spécificités de cette maladie chez l’adulte. : elle est chronique, avec des phases plus ou moins sévères.
L’anorexie concerne-t-elle aussi réellement les adultes ?
Dr Xavier Pommereau : En général, l’anorexie mentale se déclare à l’adolescence. Plus on la traite tôt, plus les personnes peuvent s’en sortir avant leurs 25 ans. Mais si ce n’est pas le cas, elle change de forme pour devenir une anorexie chronique. Il y a parfois une sorte d’équilibre qui s’installe, mais lorsqu’un événement de vie défavorable intervient, elles peuvent décompenser et rechuter, parfois jusqu’à la mort.
La maladie peut-elle aussi se déclarer à l’âge adulte ?
Dr Xavier Pommereau : Oui, mais la maladie n’apparaît pas de nulle part. Il y a souvent eu chez ces personnes un épisode à l’adolescence, qui n’a pas été repéré comme tel. Le fait que l’anorexie n’ait pas été dépistée n’est vraiment pas une bonne chose, car ça ne favorise pas le traitement.
Quels sont les signes et les pathologies associées à l’anorexie chronique ?
Dr Xavier Pommereau : Les conséquences sont similaires. Les patientes – car 95 % des personnes touchées sont des femmes – présentent une maigreur importante et des troubles des conduites alimentaires (TCA). Ces personnes sont malades, mais les symptômes restent tolérables hors des périodes de décompensation.
La cause première de décès reste le suicide, mais la dénutrition chronique engendre des problèmes de santé parfois graves qui peuvent entraîner la mort : insuffisance rénale et arrêt cardiaque par insuffisance de potassium sont deux risques majeurs. Isabelle Caro, la jeune femme qui se faisait prendre en photo pour prévenir les adolescents des risques de l’anorexie, est décédée à 30 ans d’un problème pulmonaire qui faisait suite à une insuffisance rénale.
Y a-t-il, comme pour les adolescentes, des structures d’accueil pour recevoir des adultes anorexiques ?
Dr Xavier Pommereau : En France, il n’y a pas encore suffisamment de structures spécialisées pour l’anorexie mentale chez l’adulte. Il commence à y en avoir, mais ce sont souvent des services de médecine générale ou d’endocrinologie qui accueillent les femmes qui ont des troubles graves. Ils peuvent les soigner, mais ils ne sont pas prévus pour prendre en charge des patients psychiatriques.