Le cancer ressemble beaucoup à un conflit armé. D’un côté, le système immunitaire, capable de détecter et éliminer les cellules anormales de l’organisme. De l’autre, le cancer, qui évolue et développe ses propres mécanismes de défense. Tout l’enjeu consiste, pour un pan de recherche en plein essor, à renforcer le camp de l’immunité avec des armes efficaces : les immunothérapies.
Dans cette course à l’armement, une équipe de chercheurs du prestigieux University College de Londres vient de marquer un point important, publié dans la revue Cancer Research. Il s’agit, ni plus ni moins, de combiner les deux stratégies actuellement les plus prometteuses en matière d’immunothérapie : les thérapies cellulaires et les inhibiteurs des « checkpoints » immunitaires.
Comment l’immunité combat le cancer
Voilà qui mérite quelques explications. À l’avant-poste de la bataille contre le cancer se trouvent des globules blancs appelés lymphocytes T. Ce sont les principaux agents effecteurs de l’immunité, capables, lorsque tout se passe bien, de reconnaître et éliminer les cellules cancéreuses.
Pour éviter que les lymphocytes T ne détruisent aussi les cellules saines, l’organisme s’est doté d‘un mécanisme de régulation. Biologiquement, il s’agit de récepteurs (notamment PD1) exprimés à la surface des lymphocytes et qui, lorsqu’ils sont activés, envoient le signal de cesser l’assaut. Des checkpoints, ou freins, immunitaires.
… et comment le cancer contre-attaque
Malheureusement, beaucoup de cancers détournent ce mécanisme afin d’enrayer la réponse immunitaire. Comment l’empêcher ? En fabriquant des médicaments qui bloquent les checkpoints. Initiée en 2010, cette stratégie thérapeutique donne de bons résultats dans le mélanome, le poumon ou encore le rein.
Le problème des inhibiteurs des checkpoints immunitaires, c’est qu’ils ne fonctionnent pas à tous les coups (20 à 50 % des patients dans les cancers concernés) et que leurs effets secondaires sont notables. Autre stratégie à l’étude : la thérapie cellulaire, qui consiste à prélever les lymphocytes T du patient et à les stimuler en laboratoire.
Supprimer les freins de l’immunité
C’est ici qu’interviennent nos chercheurs britanniques. Grâce à une méthode sophistiquée d’édition génétique, ils sont parvenus à supprimer les freins des lymphocytes T en laboratoire. En somme, plutôt que de bloquer les checkpoints PD1, les biologistes sont parvenus à les rayer de la carte, en supprimant le gène responsable.
Expérimentée sur des souris atteintes de mélanomes et de sarcomes, cette technique a donné de bons résultats : plus de 70 % des souris ayant reçu le cocktail de lymphocytes T modifiés étaient encore en vie 70 jours après, contre seulement 20 % pour le groupe témoin.
Une avancée pour les thérapies cellulaires
« Je pense que ce genre de modification sera très vite adopté par les chercheurs qui utilisent des lymphocytes T modifiés », prédit le Dr Quezada, premier auteur de l’étude avec le Pr Keggs. Une arme de plus à l’actif des thérapies cellulaires qui, bien que difficiles à industrialiser, ont l’avantage décisif de ne produire que très peu d’effets secondaires.
« Ce travail fournit les outils pour inactiver n’importe lequel des freins immunitaires », poursuit -il. « Plus nous progressons dans la compréhension des signaux utilisés par le cancer pour tenir le système immunitaire en échec, plus nous serons en mesure de bloquer ces voies de retraite. »