Le sens du vent serait-il en train de tourner ? Alors que de plus en plus de pays dans le monde autorisent le cannabis, une cinquantaine de médecins américains se sont regroupés afin de réclamer la fin de son interdiction aux États-Unis. Le collectif, baptisé Doctors For Cannabis Regulation (DFCR), compte dans ses rangs une ancienne Surgeon General – figure de proue de la santé publique aux États-Unis – ainsi que des membres des prestigieuses universités Johns Hopkins, Columbia ou encore Harvard.
« Les médecins devraient soutenir activement cette initiative », a déclaré le Dr David Nathan, fondateur et président du collectif, dans un entretien pour le Washington Post. « Quand on souhaite interdire une pratique, il faut s’assurer que les conséquences sur la santé sont assez néfastes pour justifier une criminalisation. Ça n’a jamais été le cas pour le cannabis. »
Une prohibition qui dure depuis 78 ans
Sur son site internet, le collectif DFCR dresse un sombre bilan de l’interdiction du cannabis sur le sol américain : « crime organisé, usage accru de variétés plus puissantes de cannabis, argent public jeté par les fenêtres ». Dans un contexte américain, la comparaison avec la Prohibition historique – l’interdiction de l’alcool dans les années 20 – s’impose naturellement à l’esprit. À ceci près, précise le site, que l’interdiction du cannabis dure depuis 78 ans, et qu’elle continue de produire « plus de 700 000 arrestations chaque année ».
Cette initiative intervient alors que de nombreux états américains ont entrepris de légaliser le cannabis, que ce soit dans un cadre médical, comme en Californie (où les critères pour obtenir une ordonnance sont notoirement faciles à remplir), ou pour un usage récréatif, comme dans l’Oregon ou à Washington. Dans un entretien pour Vice News en mars 2015, Barack Obama lui-même se prononçait en faveur d’une dépénalisation au niveau fédéral.
Du côté de l’Hexagone
En France aussi, des voix se font entendre pour réclamer la fin d’une pénalisation contre-productive, et l’application de la même tolérance pour le cannabis que pour l’alcool et le tabac, des drogues au moins aussi dangereuses mais légalement encadrées. En février dernier, le Pr Betrand Dautzenberg, éminent pneumologue à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, brocardait la politique actuelle sur le plateau de Pourquoi Docteur, rappelant au passage que la consommation n’a jamais cessé d’augmenter.
La semaine dernière, Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État aux relations avec le Parlement et médecin de formation, déclarait que même si « le cannabis est une très mauvaise chose pour la santé publique », « la prohibition n'amène pas une diminution de la consommation ». Une façon d’ouvrir le débat en France ou, comme l’ont noté plusieurs commentateurs, tentative de contrefeu médiatique au mouvement Nuit Debout ?
Des Français plus conservateurs
Toujours est-il que les Français ne semblent pas prêts à passer le cap. D’après un sondage de l’institut Elabe publié ce mois-ci pour le site Atlantico (classé à droite), 59 % d’entre eux se disent opposés à la légalisation du cannabis, avec un commerce et une consommation placée sous contrôle de l’État. Un rapport de force exactement inversé outre-Atlantique, où 58 % des Américains se déclarent en faveur d’une légalisation.