La nouvelle intervient moins d’un an après qu’une autre équipe, chinoise également, a employé la technique pour la première fois chez l’homme, suscitant un tollé mondial. L’équipe de biologistes de Canton (Chine) a entrepris d’injecter un allèle, ou variante de gène, à des embryons humains afin de les protéger du sida.
Affublé du doux nom de CCR5Δ32, cet allèle a pour effet de protéger les globules blancs contre l’infection par le virus du sida (voir encadré) . Les embryons, non viables, avaient été donnés par des patientes chinoises à la suite de tentatives infructueuses de fécondation in vitro.
Une preuve du concept
Au total, les chercheurs ont réussi à introduire la mutation avantageuse à 4 embryons sur les 26 ciblés par la technique de modification génétique. Un résultat modeste, mais qui tient lieu de « preuve de concept » chez l’humain.
Plus embêtant, il s’est avéré qu’aucun des embryons génétiquement modifiés n’était homozygote pour le gène d’intérêt. En d’autres termes, alors que la mutation CCR5Δ32 doit être présente sur chaque chromosome parental afin de protéger son porteur contre le sida, ce n’était pas le cas pour les quatre embryons.
Publiés le 6 avril dans le Journal of Assisted Reproduction and Genetics, ces résultats n’ont pas suscité de réactions très amènes de la part de la communauté scientifique. « La portée de ces résultats est relativement anecdotique, et l’on sait déjà que l’on peut utiliser Crispr sur des embryons », commente le biologiste George Daley, de l’Institut de recherche sur les cellules souches de Harvard, cité par Nature News.
Problème éthique fondamental
Par ailleurs, et sans surprise, cette étude repose à nouveau la question brûlante de la pertinence de la recherche sur des embryons. Pour le bioéthicien Tetsuya Ishii également cité par Nature News, de l’université de Hokkaidô au Japon, il ne s’agit de rien d’autre que de « jouer avec des embryons humains ».
Un problème éthique que n’ignorent bien sûr pas les auteurs, mais qu’ils posent en termes différents. « Nous pensons que toute tentative pour générer des humains génétiquement modifiés doit être strictement interdite jusqu’à que nous puissions résoudre les problèmes à la fois éthiques et scientifiques que pose ce genre d’intervention », affirment-ils dans la conclusion de l’article.
En France, la législation interdit formellement la modification génétique d’embryons humains, qui pose d’inextricables problèmes éthiques. Mais il y a fort à parier que la brèche ouverte par la recherche chinoise fera rapidement des émules. En février dernier et pour la première fois, l’Agence de biomédecine britannique donnait son feu vert à de telles recherches.
CRISPR-CAS9, une révolution en marche
Mise au point par un duo de biologistes de l’université de Berkeley, en Californie (bien que la paternité de la découverte soit contestée par le MIT), la technique d’édition génétique Crispr-Cas9 a radicalement modifié le paysage de la recherche. En effet, sa facilité d’emploi met la procédure à portée de n’importe quel laboratoire de biologie.
Il faut dire que l’enjeu biomédical – donc, bien sûr, financier – est tout simplement colossal. Si la technique Crispr-Cas9 nécessite encore quelques perfectionnements pour être utilisée à une échelle industrielle, notamment pour résoudre les problèmes de fiabilité et de mutations collatérales, il ne s’agit là que d’une question d’années.
Une mutation qui protège du sida
C’est une petite modification génétique qui permet, ni plus ni moins, d’être protégé du sida. Pour infecter son hôte, le VIH a besoin d’une porte d’entrée : un récepteur porté à la surface des globules blancs, du nom de CCR5. Or chez les personnes porteuses d’une mutation dite CCR5Δ32, le récepteur ne laisse pas le virus pénétrer à l’intérieur. Présente chez environ un Européen de l’ouest sur cinq, cette mutation, pour peu qu’elle affecte les deux chromosomes parentaux, immunise son porteur contre le sida.