Publicité mensongère ? Au Canada, trois familles portent plainte contre une banque américaine de sperme et son distributeur ontarien, rapporte le journal The Star. L’échantillon de gamète, censé provenir d’un donneur sain, bardé de diplômes et mélomane à ses heures perdues, était en réalité issu d’un homme aux multiples antécédents psychiatriques et judiciaires.
Le pot-aux-roses a été mis au jour à cause d’une erreur de transmission commise par la société privée, Xytex Corp, qui a envoyé par mégarde les coordonnées du donneur aux receveurs. Après quelques recherches sur Internet, ces derniers ont réalisé que le propriétaire du sperme, le donneur #9623, ne correspondait pas tout à fait au profil vendu par la boîte.
Père de 36 enfants
L’homme, aujourd’hui âgé de 39 ans, souffrait ainsi d’addictions sévères, associées à des troubles schizophréniques, psychotiques et narcissiques. En 2005, il a effectué un séjour de huit mois en prison pour un cambriolage. Avant cela, il a été condamné plusieurs fois pour de la petite délinquance liée à sa toxicomanie.
Il semble qu’il y ait également eu escroquerie sur les performances intellectuelles du donneur. Censé être titulaire d’un doctorat en neurosciences, l’homme a abandonné ses études supérieures dès la première année, avec toutefois son bac en poche. Xytex promouvait un Q.I élevé, établi à 160, alors que le donneur se serait lui-même évalué à 130 – ce qui est déjà pas mal. Mais dans un pays où le sperme se monnaie en fonction de certaines « qualités » (niveau de diplôme, couleur des yeux ou attractivité physique), cela compte.
Les allégations portent sur la notion de « naissance entachée d’irrégularités » (« wrongful birth »), absence d’enquête et fraude. Selon les avocats des parties, Xytex aurait été informée dès 2014 de l’entourloupe. La société aurait toutefois poursuivi la commercialisation des gamètes jusqu’en janvier 2015. En tout, l’homme a donné naissance à 36 enfants au Canada, aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne.
En France, critères très stricts
La toxicomanie, le Q.I et la schizophrénie sont-ils transmissibles par la génétique ou l’épigénétique ? A cela, toute réponse univoque serait irrémédiablement réductrice. Ce qui est sûr, c’est qu’une telle affaire ne pourrait jamais avoir lieu dans un pays comme la France, qui a instauré des critères d’exclusion très stricts pour les donneurs.
« En France, une personne schizophrène ne peut pas donner ses gamètes, rappelle ainsi Ethel Szerman, chef du CECOS (Centres d'Etudes et de Conservation des Oeufs et du Sperme) du CHU de Caen. Cette interdiction vaut aussi bien pour les personnes diagnostiquées que pour les apparentés au premier degré (parents, frères et sœurs). Pour le reste de la famille, on considère qu’il y existe un facteur de risque, mais cela n’exclut pas le don ».
Cette recommandation, établie par la Fédération des CECOS, vaut également pour les « troubles dépressifs récurrents » et la bipolarité. Pour l’autisme, toute la famille est exclue quelque soit le degré de parenté. En tout, environ un tiers des candidats au don de sperme essuieraient un refus.
« Ces critères, effectivement très stricts, reposent sur des données scientifiques qui ne permettent pas de chiffrer le risque génétique, mais qui l’estiment hautement probable, explique Ethel Szerman. Il s’agit d’un principe de précaution assez poussé car les familles ne connaissent pas le donneur. Or, nous avons une responsabilité par rapport à elles ».