Près de 7 millions d’euros. C’est la somme qu’a dépensé le groupe Coca-Cola en 2015 pour la recherche sur l’impact sanitaire des édulcorants, le financement d’associations de diabétiques ou de nutritionnistes, ou encore pour le Centre national pour le développement du sport (CNDS). Des dons transparents pour l’entreprise américaine, mais une somme employée « à brouiller le débat sur l’obésité et le diabète », estime l’association de consommateurs Foodwatch, qui accuse clairement Coca-Cola de lobbying agressif, voire de distribution de pots-de-vin.
Elle reproche à la multinationale, engagée dans une campagne de dédiabolisation diététique de ses produits, de mettre « les moyens pour que les conséquences des boissons sucrées ou édulcorées sur la santé soient minimisées, et pour échapper à ses responsabilités ». Chercheurs, médecins, nutritionnistes et diététiciens auraient empoché « des sommes rondelettes » pour vanter les mérites des boissons édulcorées (Coca-Cola Zéro, Light, Life).
La guerre sur les édulcorants
L’enjeu est de taille pour le géant du soda, rappelle Foodwatch. En 2011, l’Agence nationale de sécurité sanitaire (ANSES) avait décidé d’évaluer les éventuels bénéfices et risques des édulcorants. Une évaluation rendue début 2015 qui ne permettait pas de conclure ni à l’intérêt de la substitution du sucre par les édulcorants dans le cadre d’une politique de santé publique et de lutte contre le diabète de type 2, ni aux dangers de cancer, de développement de diabète ou d’accouchements prématurés. L’ANSES souligne toutefois « la nécessité d’approfondir les connaissances entre la consommation d’édulcorants intenses et certains risques. »
D’après l'association, « pour le géant des sodas, des scientifiques français ont ainsi sillonné congrès et conférences et multiplié les publications en chantant les louanges des édulcorants ». Plusieurs instituts et associations, comme la Fédération française des diabétiques, l’Association française des diététiciens nutritionnistes, sont visés dans leur communiqué pour les subventions qu’ils ont reçues.
La recherche infiltrée ?
Des organismes de recherche sont aussi concernés. L’Institut européen d’expertise en physiologie (IEEP) a reçu 719 200 euros de Coca-Cola France « pour contrer, on peut le penser, la menace représentée par le rapport de l’Anses et, peut-être, la taxe sur les boissons sucrées, instaurée en 2012, estime Foodwatch. On retrouve l’IEEP derrière une étude comparative sur les boissons avec ou sans édulcorants et leur influence sur l’insuline menée depuis 2012 par Fabrice Bonnet du CHU de Rennes, [qui] est intervenu ouvertement au salon Dietecom à propos des édulcorants. Il en vante les « bénéfices » dans une vidéo diffusée sur la chaîne YouTube des fabricants d’édulcorants (ISA). »
Le Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (CREDOC) a aussi reçu 85 000 euros, et publié une étude montrant que les personnes les mieux hydratées étaient celles qui buvaient autre chose que de l’eau, et qui insistait sur le fait que les adolescents français ne s’hydrataient pas assez. Une corrélation louche pour l’association de consommateurs.
Ensemble, tous ces financements relèveraient plus de la tentative de passage en force des boissons avec édulcorants pour Foodwatch, qui accuse au passage certains organismes renommés des associations et des médecins. Des accusations qui ne devraient pas passer inaperçues et susciter de vives réactions du monde de la recherche médicale.