En France, la maladie de Crohn touche une personne sur mille. Dans 15 % des cas, cette pathologie inflammatoire de l’intestin survient avant 15 ans, mais elle apparaît le plus souvent entre 20 et 30 ans. Aujourd’hui, aucun traitement curatif n’existe. Les médicaments actuels permettent la plupart du temps de ralentir la progression de la maladie, en dehors des poussées inflammatoires très douloureuses qui peuvent mener à l’hospitalisation chez certains patients.
De ce fait, de nombreuses équipes dans le monde tentent de mieux comprendre cette atteinte du tube digestif afin de développer des thérapies. A Clermont-Ferrand, une équipe de l’Inserm vient justement de mettre au jour une nouvelle voie de recherche prometteuse. Ils publient leurs résultats dans Autophagy.
La maladie de Crohn résulte d’une réaction immunitaire exacerbée contre un certain type de bactéries intestinales, les bactéries Escherichia. Coli nommée AIEC. Environ 40 % des malades présentent une surpopulation de ces agents infectieux, contre 6 % de la population générale. Ceux-ci ont la particularité d’être capables de traverser le mucus intestinal et d'infecter les cellules épithéliales de l’intestin qui forment la paroi du tube digestif, ce qui provoque une réaction immunitaire et contribue à la maladie. Les chercheurs clermontois se sont donc intéressés aux modes de défenses développés par ces cellules.
Séquestration de la bactérie
Pour survivre et éviter l’invasion, les cellules épithéliales de l’intestin déclenchent un mécanisme d’autophagie. La cellule repère la bactérie indésirable, la piège, et la digère. Ce processus est crucial pour les cellules afin d’éviter l’inflammation. Toutefois, les chercheurs ignoraient comment il pouvait être activé.
Pour le découvrir, ils ont étudié des cellules mises en culture et des souris infectées par une souche d’AIEC. Ils se sont ensuite concentrés sur le rôle d’une voie de signalisation déjà utilisée par les cellules pour se protéger des bactéries Shigella et Salmonella, d’autres bactéries de la flore intestinale. « Nous avons voulu savoir si cette même voie était impliquée dans la lutte contre les AIEC », explique Hang Nguyen, responsable de ces travaux.
Un mécanisme de défense inactif
En inhibant cette voie de signalisation, ils constatent que les AIEC prolifèrent dans les cellules épithéliales intestinales. Au contraire, lorsque cette voie est stimulée, les bactéries ont beaucoup de mal à infecter les cellules. Les scientifiques supposent alors que les personnes souffrant de la maladie de Crohn présentent une inactivation de cette voie cellulaire. Une hypothèse confirmée par l’étude de biopsies de malades : dans les zones enflammées du tube digestif le mécanisme de défense est inactivé, alors qu’il fonctionne dans les régions saines de l’intestin.
Ainsi, booster la réponse autophagique chez les patients présentant une surpopulation d’AIEC pourrait contrôler l’inflammation. L’équipe de Hang Nguyen cherche déjà des molécules capables de moduler ces mécanismes de défenses.