On peut craindre le pire, venant d’une agence réputée pour son laxisme envers les substances toxiques issues de l’industrie. L’EFSA, l’agence européenne de sécurité alimentaire, va réévaluer le bisphénol A et son effet sur le système immunitaire. Des données sur les risques pour le fœtus et l’enfant, exclues jusqu’ici, seront désormais prises en compte par l’agence.
Etrange optimisme
Les conclusions de l'EFSA seront scrutées de très près, et pour cause : il y un an, la même agence affirmait que l’exposition au bisphénol A ne présentait « pas de risque pour la santé des consommateurs ». Et ce, malgré la littérature scientifique qui accumule les preuves permettant de classer cette substance chimique, interdite des biberons européens depuis 2011, parmi les perturbateurs endocriniens. Un dossier qui ressemble étrangement à celui du glyphosate, également considéré comme inoffensif par l’EFSA.
A la demande des Pays-Bas, et face à la pression citoyenne - ou mue par un sursaut d’honnêteté scientifique - l’EFSA va donc réexaminer la toxicité de la substance. L’agence mettra en place « un groupe de travail composé d'experts internationaux pour évaluer de nouveaux éléments scientifiques sur les effets potentiels du bisphénol A (BPA) sur le système immunitaire ».
Ces « nouveaux éléments » proviennent d’un rapport de l'Institut national néerlandais pour la santé publique, qui s’est penché sur l’exposition prénatale et périnatale. Le document recommande de trouver des alternatives au bisphénol A et de réduire l’exposition de la population.
Des données connues
En réalité, les données sur la toxicité du bisphénol A ne manquent pas. Bien des études ont été publiées avant ce rapport néerlandais, qui mettent la puce à l’oreille. Par ailleurs, les associations environnementales et sanitaires alertent depuis des années sur le fait que la notion de seuil d’exposition ne tient par pour les perturbateurs endocriniens. L’« effet cocktail » et la durée d’exposition sont des éléments spécifiques à prendre en compte, car ils décuplent la toxicité de ces substances.
L’Europe en est bien consciente, elle qui a interdit les perturbateurs endocriniens en 2013, par principe de précaution. Seulement, depuis cette date, une liste de critères doit être établie afin de définir ce qui est un perturbateur endocrinien et ce qui ne l’est pas. Trois ans plus tard, on attend toujours la liste.