Depuis la parution d'un arrêté en 2013, la vente en ligne de médicaments est autorisée en France. Mais trois ans après cette autorisation, le développement de l'activité est à la peine dans l'Hexagone. D'après l'Autorité de la concurrence, sur les 22 401 officines recensées (au 1er janvier 2015), seules 301 ont développé un site internet de vente en ligne de médicaments. C'est un taux de 1,34 % seulement, soit dix fois moins qu'en Allemagne.
De plus, le taux de refus d'autorisation de création de sites de vente en ligne de médicaments est important. Ainsi, en 2013, sur 259 demandes, 80 refus ont été opposés par les Agences Régionales de Santé (ARS), c'est un taux de refus de près d'un tiers. Dans ce contexte où le secteur est morose, l'autorité critique ouvertement le nouveau projet de réglementation.
Des dispositions restrictives
Dans un avis remis au gouvernement qu'elle a rendu public ce mardi, l'Autorité se prononce sur deux projets d'arrêté relatifs à la vente en ligne de médicament.
Et l'Autorité émet tout simplement un avis « défavorable » sur ces projets de texte, « qui reprennent des dispositions dont le caractère restrictif avait déjà été souligné par l'Autorité dans le cadre de précédents avis », précise-t-elle.
En effet, les sites français sont soumis à un ensemble de règles techniques et de bonnes pratiques qui leur interdisent un grand nombre de pratiques commerciales liées à la vente en ligne, comme :
« le libre recours, sous réserve du respect des règles déontologiques, aux outils que sont les liens hypertexte et les lettres d'information; la sous-traitance à un tiers de tout ou partie de l'activité de vente par internet; le référencement dans les moteurs de recherche ou comparateurs de prix contre rémunération; la valorisation de leurs prix par voie d'affichage ».
De nouvelles contraintes
Par ailleurs, l'Autorité écrit que ces projets introduisent « de nouvelles dispositions qui créent des contraintes additionnelles disproportionnées par rapport à l'objectif de protection de la santé publique ». « Un régime discriminatoire par rapport aux conditions exigées pour la vente au comptoir » et qui ont pour effet « de retirer tout intérêt à la commercialisation de médicaments par internet, tant pour le patient que pour les pharmaciens », estime-t-elle.
Comme exemple, elle indique que le nouveau projet prévoit que le pharmacien peut être conduit à solliciter auprès du patient de très nombreuses informations, dont certaines couvertes par le secret médical, telles que des résultats d'analyses biologiques, des antécédents pathologiques, ou le diagnostic établi par le médecin.
L'autre grief contre le texte est qu'il « invite » également les cyberpharmaciens à rédiger à chaque commande une « intervention pharmaceutique », c'est-à-dire une formalisation écrite, motivée et détaillée, de l'analyse pharmaceutique. Enfin, pour chaque nouvelle commande d'un même médicament, le pharmacien doit recueillir les observations éventuelles du patient, la survenue d'éventuels effets indésirables et évaluer le bénéfice/ risque de poursuivre le traitement.. Bref, un deux poids et deux mesures par rapport aux pharmacies en dur, selon elle.
L'autorité favorable à la e-pharmacie
Face à ces textes qui l'inquiète, l'Autorité rappelle qu'elle est favorable à ce que les pharmaciens d'officine utilisent largement cette nouvelle forme de vente, « qui permet de dynamiser, moderniser et rendre plus visible leur activité professionnelle en faisant bénéficier les patients de la souplesse de la vente en ligne (plages horaires plus étendues, coûts de déplacement réduits…), de tarifs plus bas et d'une meilleure information sur les prix ».