On peut être parfaitement à l’aise dans la vie, brillant(e ), éloquent(e ), séducteur (trice), et se retrouver au lit empêtré(e ) dans une gêne paralysante. On n’ose pas dire les mots, on n’accomplit pas certains gestes dont on rêve silencieusement. On s’en tient à un scénario rassurant et bien rôdé. On se rhabille en se disant que ce sera pour la prochaine fois. Ou pas.
La timidité n’a rien à voir avec la pudeur, la première bloque et peut saboter la rencontre sexuelle, la seconde n’est qu’un jeu de voilement et de dévoilement en fonction des circonstances. On peut être pudique avec les sentiments et exhiber son corps. Ou l’inverse, on ne montre rien de sa peau et on affiche ses sentiments.
Certains sont timides au lit à cause de leurs complexes, ils se trouvent trop grands, trop plats, trop rebondis, trop poilus…Les femmes sont championnes à ce petit jeu là, elles se trouvent souvent trop grosses. La moitié d’entre elles assure préférer l’amour dans le noir.
Pourquoi ? L’obscurité protège, voile les corps et adoucit les imperfections. Dans Premier matin, le sociologue Jean-Claude Kaufmann évoque une scène emblématique : la sortie du lit. « Une pudeur étrange s’empare des partenaires. Ils ont été nus pendant la nuit mais là, le regard scrutateur sur les endroits du corps dévoilés les gêne fondamentalement. »
Sur 23 personnes interrogées par le chercheur, 22 ne sont pas fières d’elles. Les femmes veulent faire disparaître tout ce qui dépasse, les cuisses, les fesses. Elles rêvent d’un corps adolescente, comme s’il y avait un modèle implicite de la beauté, une norme sociale à respecter !
Tout cela ne serait pas si grave si cela ne finissait par gâcher la vie de certaines et d’entraîner des inhibitions ou des frustrations au lit. A cause des 10 kilos de trop, à cause de la poitrine trop plate, à cause du genou trop épais, on se cache, on se replie, on n’ose pas les gestes, on ne tente pas les scénarios différents. Le corps se crispe et renâcle, le lâcher prise est impossible.
Parfois, ce ne sont pas les complexes qui rendent timides, mais l’éducation et l’environnement. Le sexe est littéralement marqué de l’étendard de la honte et de la culpabilité. On a peur d’être jugé pour son désir ou pour son plaisir. Alors on s’inflige et on inflige au partenaire un train-train bien sage, le minimum syndical. La conscience et la bonne morale sont sauves. Mais pas le plaisir ni le désir.
A cela, s’ajoute l’ambiance actuelle autour du sexe : la performance sexuelle à tout prix, l’orgasme à tous les coups. On finit par se croire « un mauvais coup au lit » parce qu’on n’a pas envie de pratiquer une fellation ou un cunnilingus, une séance à trois ou de l’échangisme.
La timidité sexuelle peut aussi avoir pour socle un manque de confiance en soi. On ne s’estime pas à cause de fêlures plus ou moins conscientes, ancrées dans son histoire. Un parent peu valorisant, la certitude de ne pas être à la hauteur, les raisons ne manquent pas. Hasard ou pas, on va rencontrer des partenaires qui vont venir conforter sa névrose. Des partenaires ultra libéré(e )s ou performant(e )s au lit.
Ils seront frustrant(e )s puisqu’ils conforteront le blocage, mais ils confirmeront aussi la piètre image qu’on a de soi, un looser au lit. De manière étrange, c’est souvent dans les relations continues que la peur du jugement opère de manière la plus efficace, on endosse l’étiquette de « mauvais coup » et on finit par figer les rôles.
Pour sortir de ses peurs, la première chose à faire est de prendre conscience de ce qui se joue réellement au niveau de l’intime. Il faut se poser certaines questions. Suis-je toujours bloqué ou seulement avec cette personne ? Est-ce que ce sont ses exigences qui me paralysent ? Que se passerait-il vraiment si j’exprimais mon désir ou mes fantasmes ? Ai-je envie que cela change ? Que faudrait-il pour que je me lance ?…
La meilleure façon de le savoir est d’essayer.
La « technique du miroir » est très payante, on fait à l’autre ce que l’on aime et on lui demande s’il aime. Normalement, lui aussi pose la question en retour, et du coup, cela permet d’amorcer le changement. Une douce connivence des corps s’installe, on est plus à l’aise. On tente un nouveau geste, puis un autre, puis un autre…Petit à petit la confiance vient.
Si décidément, les progrès sont lents ou peu convaincants, on peut essayer de renouer tout seul avec son corps : pas en se masturbant (encore que cela permette de mieux se connaître, donc de prendre confiance en soi), mais en essayant des techniques comme le yoga, le théâtre, le chant, ils peuvent faire bouger les lignes. On peut aller aussi du côté de la thérapie émotionnelle ou de la sexothérapie.