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Journée mondiale de la santé au travail

Privation de sommeil : travailler jusqu'à en mourir

Par Jonathan Herchkovitch

Le travail peut tronquer les nuits à tel point que la privation peut être mortelle. Le manque de sommeil peut aussi, à l'inverse, impacter la vie professionnelle.

IPA PRESS/SIPA

Quelques jours après la mort de Prince, son beau-frère a révélé que le chanteur aurait enchaîné plus de 150 heures de travail dans son studio d'enregistrement, avant de décéder brutalement. Les conclusions de l'autopsie ne seront pas rendues avant plusieurs semaines, mais le créateur de Purple Rain pourrait bien être mort d'épuisement.

Loin de ce cas extrême, le manque de sommeil devient cependant un problème chronique dans nos sociétés modernes. En France, un actif sur trois dort moins de 6 heures par nuit, au lieu des 7 à 8 heures recommandées, d’après le rapport sur le sommeil du thinktank terra nova. Ainsi, nous sommes les plus gros consommateurs européens de somnifères. Le manque de sommeil pèse sur la vie active, et provoque des somnolences. Mais le travail est aussi une cause d’insomnie, et peut être responsable de problèmes de santé graves.

Le karoshi, littéralement « mort par sur-travail », est désormais une pathologie reconnue au Japon. Depuis le 1er novembre 2014, il est possible de porter plainte contre un employeur sur ce motif. Quelques jours après que la loi a pris effet, la famille d’un homme de 24 ans a porté plainte contre son employeur, une chaine de restauration. Ce manager avait effectué plus de 190 heures supplémentaires par mois sur les 7 mois ayant précédé son suicide.

 

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Dr Valérie Langevin, de l'Institut National de Recherche et de Sécurité : « Des gens s'investissent tellement dans leur travail avec l'idée de décrocher un emploi dans une grande entreprise...»

 

Un véritable risque pour la santé

Lorsque le travail prend une telle importance temporelle et psychologique, le sommeil perd sa place. Ainsi, le karoshi tue plusieurs centaines de personnes par an, par suicide ou pour d’autres raisons de santé. Il a peut-être coûté la vie à Prince.

Car mourir d’un manque de sommeil est possible. « La privation extrême de sommeil peut engendrer des problèmes métaboliques et cardiaques sévères, explique le Dr Royant-Parola, présidente du réseau Morphée. Des expériences de privation sévère de sommeil chez les animaux ont entraîné des décès dans un tableau qui associe des infections, des troubles du risque cardiaque et des accidents vasculaires cérébraux. »

 

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Dr Royant-Parola, directrice du réseau Morphée : « Des infections, des troubles du rythme cardiaque et des accidents vasculaires cérébraux qui mènent à la mort...»

Des troubles au quotidien

Au-delà de ces situations extrêmes, le manque de sommeil chronique a aussi un impact sur la santé. « Des problèmes de régulation thermique, des troubles du rythme cardiaque, des malaises et des vertiges sont les signes principaux du manque de sommeil », continue le Dr Royant-Parola.

 

 

Le système immunitaire s’affaiblit, et des problèmes de santé dérivant de causes indirectes apparaissent. En premier lieu, les accidents de la circulation. Environ un tiers des décès sur la route pourraient être imputés à la somnolence, qui est la première cause d’accident sur l’autoroute. Des chiffres difficiles à vérifier, car les forces de l’ordre ne peuvent pas officiellement considérer la somnolence comme facteur d’accident.

 

 

La privation de sommeil double aussi les risques d’accidents du travail, et multiplie par 40 le risque de somnolence sur le poste. En cette Journée mondiale de la sécurité et la santé au travail, le sujet devrait mobiliser les politiques, car c’est un véritable enjeu de santé publique, estime Terra nova. « La pression professionnelle, l’intensification des tâches, l’allongement des temps de trajet domicile-travail » font partie des causes systémiques principales, estime le thinktank dans son rapport paru lundi dernier. Il y rappelle que 62 % des Français déclarent souffrir d’un trouble du sommeil. Ils ont consommé 131 millions de boîtes de benzodiazépines (un somnifère) en 2013.

Moins de cinq heures de sommeil par nuit

L’UFC-Que Choisir a effectué un sondage auprès de ses lecteurs. Sur les 3 884 à avoir répondu aux questions, 83 % ont déclaré ne pas dormir suffisamment ! Une proportion à nuancer, car les personnes souffrant d’insomnies sont plus susceptibles de répondre à un questionnaire sur le manque de sommeil. Mais presque 1 000 d’entre eux déclaraient dormir moins de 5 heures par nuit.

Résultats du sondage auprès des lecteurs de l'UFC-Que Choisir

 

Un véritable poids au quotidien, puisque 40 % des personnes insomniaques estiment que ce problème est « important ». Réveils nocturnes ou précoces, difficultés à s’endormir… Le besoin d’aller aux toilettes et le stress sont cités comme causes principales.

Pour y remédier, 28 % prennent des somnifères, dont un sur deux de manière régulière depuis plus d’un mois. D’autres font appel à des infusions, des compléments alimentaires à base de mélatonine, ou à l’homéopathie. Les techniques de détente sont prisées aussi, pour près d’un tiers des hiboux : relaxation, méditation, sophrologie ou hypnose ont la cote, mais na satisfont complètement que 37 % des personnes qui y ont recours.