Il pèse entre 1 et 2 kg, et sans lui aucun aliment ne pourrait être digéré. Le microbiote intestinal, une colonie de 100 000 milliards de bactéries, est un organe à part entière et indispensable à l’homme. A tel point que lorsqu’il va mal, c’est tout l’organisme qui trinque. Diabète, obésité, allergies, maladie de Parkinson… De nombreuses pathologies seraient causées ou aggravées par un déséquilibre de notre flore intestinale.
Dès lors, il est devenu crucial de mieux le connaître et de comprendre ce qu’il pouvait l’affecter ou au contraire lui faire du bien. Et c’était justement l’objectif de deux études scientifiques publiées ce vendredi dans un numéro spécial de la revue Science consacré au microbiote.
69 facteurs alimentaires et médicamenteux
Grâce à des analyses d’ADN réalisées à partir d’échantillons de selles, des chercheurs belges et néerlandais ont pu examiner le microbiote de plus de 2 000 personnes en bonne santé (1 000 participants dans chacune des études). Ces travaux font partie des premiers à étudier l’influence du mode de vie, du régime alimentaire et de l’usage de médicaments chez des sujets sains. Jusqu’à alors, les scientifiques se penchaient surtout sur le microbiote de personnes malades afin de déterminer la population bactérienne responsable, et développer une stratégie thérapeutique.
A travers ces analyses génétiques, les scientifiques ont mis en évidence 69 facteurs influençant la composition du microbiote. « La diversité du microbiote est un paramètre très important, explique Joël Doré,directeur de recherche à l’Institut National de la Recherche Agronomique (INRA) et chercheur spécialiste du microbiote qui n’a pas participé à ces travaux. Une grande diversité est par exemple associée à une réduction de l’inflammation, du taux de cholestérol sanguin et de triglycérides sanguins. On considère ainsi que tout ce qui peut enrichir le microbiote est intéressant ».
Des bactéries qui adorent le chocolat
Parmi ces différents facteurs, 60 sont alimentaires. Les chercheurs ont notamment observé que les grands consommateurs de yaourt et lait ribot (produit fermenté) ou d'aliments riche en fibres ont une plus grande diversité bactérienne. Plus surprenant, le café et le vin rouge auraient également cet effet bénéfique. « Ces aliments peuvent avoir un impact favorable sur le microbiote intestinal car ils apportent des phytomicronutriments comme les polyphénols », précise Joël Doré. Au contraire, ces travaux révèlent que le lait entier et les aliments riches en calorie appauvrissement la diversité de la flore.
Autre surprise de ces travaux : un groupe particulier de bactérie a une préférence pour le chocolat noir. « L’effet du chocolat belge, s’amuse le Pr Jeroen Raes, responsable de l’une des études. Et comme de nombreux lecteurs doivent s’y attendre, nous avons également trouvé une association entre la composition du microbiote et la consommation de bière ».
L'influence des hormones
Au delà de l’alimentation, 19 médicaments, dont une grand part utilisée fréquemment, modulent la diversité de la flore. Parmi eux, les laxatifs ou les inhibiteurs de la pompe à protons (IPP). « Tout ce qui a une action sur le transit intestinal va affecter le microbiote car le transit est un régulateur des populations microbiennes entre celles qui se multiplient vite et qui vont pouvoir maintenir des niveaux de population élevés dans un transit rapide et celles qui sont désavantagées car elles se multiplient moins vite », explique Joël Doré.
Ces travaux mettent également en lumière l’influence des médicaments à base d’hormones comme la contraception orale ou les traitements de la ménopause. L’action de ces derniers commençait à être connue mais le fait que la pilule contraceptive puisse interagir avec le microbiote est un fait nouveau, selon Joël Doré.
Enfin les chercheurs ont montré que la composition bactérienne de ces 2 000 adultes ne reflètent pas leurs jeunes années notamment leur mode de naissance ou s’ils ont été allaités ou non. Pour Joël Doré, il est aujourd’hui très difficile de dire qui a été nourri au sein ou au lait maternisé car les produits de l’industrie miment de mieux en mieux le lait maternel. « Par contre, pour le mode de naissance je suis assez étonné car la naissance par césarienne par rapport à une naissance par voie basse a un impact majeur sur le microbiote. Je pense que ces résultats dépendent de leur méthode d’analyse. Avec un outils de séquençage à plus haute résolution, nous n’aurions peut être pas les mêmes conclusions ».
Reste que ces travaux apportent des informations indispensables à la compréhension du microbiote et les facteurs influençant sa composition et diversité. Ils sont également très robustes car l’équipe belge a pu confirmer plus de 80 % de ces résultats. Une reproductibilité très rare lorsqu’il s’agit de travaux sur le microbiote puisqu’une immense majorité des bactéries qui peuplent notre intestin nous sont propres.