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Réseaux neuronaux indépendants

Psycho : l’empathie n'aide pas forcément à mieux comprendre les autres

Par Caroline Delavault

Les personnes pourvues d’une grande empathie ne comprendraient pas nécessairement mieux les autres, selon une récente étude allemande.  

Epictura/Pressmaster
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L’empathie est une qualité bien connue, elle nous permet de ressentir les émotions des autres, et pourtant… Selon une étude de psychologues de l’université allemande de Würzburg, une trop grande empathie nuirait à la compréhension des autres! Publiés dans la revue médicale Social Cognitive and Affective Neuroscience, ces travaux indiquent que ressentir l’émotion d’autrui et comprendre ses pensées n’a rien à voir. Les réseaux neurologiques responsables de ces deux qualités n’interagissaient pas. 

L’étude allemande a réuni 200 participants. Ils ont été invités à regarder plusieurs séquences vidéo dans lesquelles un narrateur était plus ou moins émouvant. Ils ont eu à évaluer leur compassion vis à vis de cette personne, puis ils ont dû répondre à des questions sur la vidéo, notamment sur quelles pouvaient être les pensées et réflexions du narrateur. En utilisant l'imagerie cérébrale, les chercheurs ont observé les neurones activés lors du visionnage des vidéos et en regroupant les réponses, les psychologues ont tenté de voir si un lien existait entre l’émotion provoquée par la vidéo et la capacité de saisir les pensées d’autrui. Résultats, les deux capacités ne sont pas liées.

 

Empathie inhibe le sens critique

L'étude livre également  un nouvel éclairage sur la façon dont les différents réseaux neurologiques  sont orchestrés dans le cerveaux. Selon les chercheurs, les réseaux cruciaux pour l'empathie et la prise de perspective cognitive interagissent les uns avec les autres. Dans des moments particulièrement émouvants, - par exemple quand quelqu'un se confie sur la mort d'une personne proche - l’activation de l'insula, qui fait partie du réseau dit « de l’empathie », peut avoir un effet inhibiteur sur les zones du cerveau qui régissent la compréhension lucide du point de vue de quelqu'un d'autre. In fine, cette inhibition peut provoquer une empathie excessive et porterait atteinte à la compréhension sociale.
« Imaginez que votre meilleur ami vous raconte que sa compagne vient de lui proposer de "rester amis". Vous devez accomplir deux choses : comprendre que cette belle proposition signifie en fait qu'elle veut rompre avec lui et d'autre part, vous devriez ressentir la peine de votre ami et le réconforter. Néanmoins, ces deux actes ne se font pas automatiquement », explique la psychologue Tania Singer, co-auteure de l’étude. D’après la psychologue et son équipe, les personnes dotées d’empathie ne comprennent pas nécessairement mieux les pensées et émotions des autres. « Par conséquent, les compétences sociales semblent être fondées sur des qualités indépendantes les unes des autres », concluent les chercheurs dans un communiqué. 

Les auteurs estiment que les résultats de cette étude sont importants à la fois pour les neurosciences mais également pour les applications cliniques. Ils suggèrent que la formation visant à améliorer les compétences sociales, la volonté de faire preuve d'empathie et la capacité à comprendre les autres et de saisir leur point de vue doivent être encouragées sélectivement et séparément les unes des autres.