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Phytothérapie

Des médicaments à base de plantes strictement encadrés

Par Audrey Vaugrente

LuaAr/epictura

ENQUÊTE – Les produits de phytothérapie ne relèvent pas tous du même régime. Le statut de médicament, qui garantit leur bonne qualité, est privilégié des professionnels de santé. Les compléments alimentaires, plus faciles à mettre sur le marché mais moins bien contrôlés, sont bien plus nombreux.

La phytothérapie est facilement accessible pour qui le souhaite. Près de 40 médicaments à base de plantes figurent sur la liste des médicaments en libre accès. Une disponibilité qui n’est pas sans risque. Mais le titre de médicament constitue un gage de qualité parmi les différents produits de phytothérapie. Tous ne bénéficient pas du même statut vis-à-vis des autorités sanitaires et donc du même encadrement du point de vue de la sécurité. Ceux qui ont obtenu ce titre sont sans aucun doute les plus surveillés. L’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) est chargée d’évaluer l’arrivée sur le marché de ces produits et leur conformité dans les officines.

Les produits de phytothérapie rassemblent quatre catégories : les plantes médicinales en vrac, les préparations pharmaceutiques, les médicaments à base de plantes fabriqués industriellement et les compléments alimentaires. L’ANSM délivre trois types d’autorisations de mise sur le marché (AMM). « Dans ces trois cas, il s’agit de médicaments, précise An Lê, chef du pôle médicaments homéopathiques, à base de plante et des préparations à l’ANSM. Ils sont donc sous monopole pharmaceutique et ne peuvent être vendus qu’en pharmacie ou, le cas échéant, délivrés à l’hôpital. »

Des contrôles réguliers

Dans la mesure où ces produits mettent à profit des plantes, celles-ci font l’objet de contrôles. « Nous (ANSM) sommes chargés de décrire la qualité des matières premières à base de plantes qui composent la formule des médicaments ou des plantes médicinales qui peuvent être délivrées en vrac ou sous forme de préparation dans les officines uniquement », explique An Lê.

Le contenu en pesticides est par exemple vérifié, tout comme la dose en principe actif qui peut varier selon le lieu de culture. D’ailleurs, des inspections sont régulièrement réalisées sur les sites de fabrication et de production des plantes. En cela, « les produits achetés en pharmacie ont une sûreté bien supérieure à ce qu’on trouve sur les marchés ou ailleurs, estime Jacques Pothier, maître de conférence à la faculté de pharmacie de Tours. Les normes permettent d’éviter de passer à côté d’un produit toxique. »

Des contrôles sont également réalisés en cas « d’accident de pharmacovigilance sur les échantillons prélevés auprès des patients, ou sur des sites de fabrication lors des inspections », précise An Lê, c’est-à-dire lorsqu’un incident tel qu’un effet indésirable est signalé. En 2001, l’ANSM a ainsi retiré du marché plusieurs contenant de la badiane du Japon, toxique pour le système nerveux.

Les notices sont ensuite mises à jour, afin d’avertir sur les contre-indications et les interactions médicamenteuses, comme pour le millepertuis, qui peut interagir avec la contraception orale, les anticoagulants et d’autres médicaments où l’erreur n’est pas permise. « Les professionnels de santé et les patients sont informés des interactions médicamenteuses et des précautions d’emploi. » Au niveau européen, un comité spécialisé siège depuis 2004. Il établit notamment des bilans sur l’efficacité et la toxicité de certaines plantes.

Des procédures assouplies

C’est en partie sur cette base que les dossiers d’AMM sont évalués. La première catégorie, les AMM classiques, est soumise aux mêmes conditions que pour les médicaments chimiques comme le paracétamol ou l’ibuprofène. La dernière autorisation de ce type concerne le Sativex, antidouleur dérivé du cannabis. La procédure est assouplie pour les médicaments disponibles depuis au moins 10 ans sur le marché, s’ils ont apporté la preuve de leur efficacité par des publications scientifiques. C’est ce qu’on appelle une AMM d’usage médical bien établi.

La troisième catégorie, encore plus souple, est toutefois plus complexe. Elle relève de l’usage traditionnel des plantes : les produits doivent être sur le marché depuis au moins 30 ans, mais au moins 15 ans dans un pays de l’Union européenne. Leur indication doit être précise mais l’efficacité pas forcément démontrée par des publications scientifiques. Les 562 plantes inscrites à la Pharmacopée française, comme la petite absinthe, la sauge officinale ou le pavot, peuvent relever de ce type de procédure. A noter que seuls les pharmaciens sont habilités à les délivrer.

Aux yeux du Dr Jean-Christophe Charrié, médecin généraliste à La Rochelle, cet arsenal est un gage de qualité. « Je ne prescris que des produits qu’on trouve en pharmacie, confie-t-il. Il est important pour moi que le pharmacien joue son rôle de contrôleur de prescription et de la qualité du produit. »

Deux régimes coexistent

L’ANSM réalise des échanges réguliers avec deux autres autorités sanitaires : l’Agence de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) et la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). Ce sont ces instances qui surveillent la mise sur le marché des compléments alimentaires, qui peuvent intégrer la catégorie de la phytothérapie. Leur définition s’éloigne de celle du médicament puisqu’ils sont décrits, dans un décret de mars 2006, comme des denrées alimentaires « dont le but est de compléter le régime alimentaire normal et qui constituent une source concentrée de nutriments ou d’autres substances ayant un effet nutritionnel ou physiologique seuls ou combinés ».

Les professionnels de santé sont globalement peu favorables à ces compléments alimentaires. Il faut dire que leur régulation est bien moins rigoureuse que celle des médicaments, malgré un système de nutrivigilance mis en place par la France en 2009. Nul besoin pour les fabricants de réaliser des études de non toxicité ou démontrant l’efficacité du produit. Du côté des doses, la souplesse est aussi de mise : la réglementation se contente d’exiger des producteurs qu’ils affichent la portion journalière recommandée et un avertissement contre le dépassement des doses recommandées. Et si les emballages ont interdiction de mentionner un intérêt en prévention ou traitement des maladies, ils peuvent toutefois afficher des allégations santé, selon une liste publiée par la Commission européenne.

Eviter les incidents

Gilles Bonnefond, président de l’Union syndicale des pharmaciens d’officine (USPO), le constate : le choix de la facilité est souvent fait au détriment de la qualité, ce qui explique la coexistence des médicaments et des compléments alimentaires dans les officines. « On demande aux laboratoires de faire leur boulot et de garantir qualité et sécurité, et d’assumer la pharmacovigilance qui va derrière », tranche-t-il.

Ecoutez...
Jean-Christophe Charrié, médecin généraliste à La Rochelle : « Il y a un vide juridique qui fait que les produits sortent comme compléments alimentaires. Quand on est médecin, on a du tri à faire. »


Ce choix n’est pas forcément pour le mieux car l’encadrement est moins strict, ce qui favorise les erreurs. Consommateurs pas toujours conscients de ces différences ; « La plus grosse usine chimique, c’est la plante, rappelle Gilles Bonnefond. Elle est redoutablement efficace et parfois toxique. » D’où l’importance d’un dosage précis soumis à des contrôles réguliers et stricts.