Neuf associations françaises, représentant des addictologues, des tabacologues, des usagers, réclament, ce lundi, aux autorités sanitaires de prendre une position officielle sur la e-cigarette. Pour y arriver, toutes pressent désormais la ministre de la Santé, Marisol Touraine de participer au 1er Sommet de la vape organisé à Paris 9 mai prochain.
Dans un communiqué de presse faisant office d'invitation, elles font remarquer qu'après la publication l'été dernier du rapport du Public Health England (PHE), déclarant que la vape était au moins 95 % moins nocive que le tabagisme, le Collège Royal des médecins britanniques (RCP) a renchéri la semaine dernière en affirmant que « bien qu'il ne soit pas possible d'estimer précisément les risques à long terme pour la santé associés à l'e-cigarette, les données disponibles suggèrent qu'ils ne devraient pas dépasser 5 % de ceux qui sont associés au tabac fumé, et pourraient être sensiblement inférieurs à ce chiffre ».
Les usagers doivent guider les décideurs
Par ailleurs, ces associations ont noté qu'en France, la Commission de l'Audition publique sur la « Réduction des risques et des dommages liés aux conduites addictives » a proposé récemment (les 7 et 8 avril derniers) une nouvelle alliance.
Ces médecins addictologues français ont, pour la première fois, reconnu la e-cigarette comme un objet de réduction des risques. Pour être efficaces, les politiques de santé devraient s’inspirer de l’expérience des usagers, recommandaient ces experts.
Mais pour pouvoir bénéficier d’un statut officiel, cette recommandation devra encore être validée par la Haute Autorité de Santé. Saisie par le ministère de la Santé en 2015, la HAS a jugé que les données étaient encore insuffisantes pour recommander la e-cigarette dans le sevrage tabagique.
La vape menacée par la loi Santé
Pire, ces associations s'inquiètent de la dernière loi Santé (adoptée en janvier 2016) et d'une Directive européenne anti-tabac qui, selon elles, menacent le développement de la vape. « Elles freinent l'innovation en favorisant les cigarettes électroniques commercialisées par l'industrie du tabac, qui seule aura les moyens financiers, comme l'industrie pharmaceutique, de supporter les contraintes administratives et financières imposées par cette Directive ».
Alors, pour tenter de mettre fin au déni ministériel, ils rappellent que le 1er Sommet de la vaperéunira les principaux spécialistes de la e-cigarette et de la lutte contre le tabac. Peut-être à l'exception du ministère de la Santé qui, ce lundi, n'a pas été en mesure de nous indiquer si l'évènement était inscrit à l'agenda de Marisol Touraine.
« Il en va de la vie de millions de fumeurs, car rappelons-le le tabagisme fait 78 000 morts par an en France chaque année, et la prévalence tabagique de notre pays (34 % de fumeurs, et 33 % des jeunes de 17 ans) nous place loin derrière nos voisins d'Outre-Manche (18 % de fumeurs). La cigarette électronique est une arme de réduction massive des risques mortels liés au tabac », concluent-ils.
Depuis que l'e-cigarette est disponible au Royaume-Uni, en 2007, son utilisation a été entourée de controverse médicale et publique. Ce nouveau rapport de 200 pages publié la semaine dernière par le Collège royal des médecins britanniques (RCP) a examiné la science, la politique publique, la réglementation et l'éthique entourant l'e-cigarette et d'autres sources de nicotine sans tabac. Il conclut notamment que :
-L'e-cigarette n'est pas une passerelle vers le tabagisme. « Au Royaume-Uni, l'utilisation de l'e-cigarette est limitée presque entièrement à ceux qui utilisent déjà, ou ont utilisé, le tabac »
-L'e-cigarette ne provoque pas la normalisation du tabagisme : « il n'y a aucune preuve que la thérapie nicotinique de substitution (TNS) ou l'utilisation de l'e-cigarette ait donné lieu à une renormalisation du tabagisme. Aucun de ces produits n'a à ce jour attiré de façon significative les adultes n'ayant jamais fumé, ou n'a démontré de signes de progression vers le tabagisme chez les jeunes ».
-L'e-cigarette et l'arrêt du tabac : chez les fumeurs, l'utilisation de l'e-cigarette est susceptible de mener à une tentative d'arrêt du tabac qui ne se serait pas autrement produite, et chez certains d'entre eux à un succès de l'arrêt. « De cette façon, la cigarette électronique peut agir comme porte de sortie du tabagisme ».
(1) SOS ADDICTIONS, Fédération Addiction, Fédération Française d'Addictologie (et Oppelia), Aiduce, RESPADD, Tabac et Liberté, Actions Addictions, ANPAA
Retrouvez l'émission "L'invité santé" avec Jacques Le Houezec, tabacologue et co-organisateur du 1er Sommet de la vape