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2 placements de produits en moyenne

Alcool : quand les séries poussent à la consommation

Les séries américaines sont connues pour leur consommation colossale d’alcool. Un mauvais exemple pour les jeunes, qui sont influencés par les marques présentées.

Alcool : quand les séries poussent à la consommation  Ricky Brigante/Flickr




Le marathon télé peut mener à la tournée des bars. En cause : les placements de produits et la représentation de l’alcool dans les nombreuses séries américaines. L’absorption de bière atteint des proportions homériques dans certaines, comme How I Met Your Mother où le MacLaren’s est le lieu de rendez-vous des protagonistes. Ce spectacle influence la consommation des plus jeunes, pour qui binge watching rime souvent avec binge drinking. C’est ce que conclut une étude présentée au Congrès des sociétés académiques de pédiatrie – qui se tient du 30 avril au 3 mai à Baltimore (Maryland, Etats-Unis).

Une technique insidieuse

Les auteurs de cette présentation ont examiné le contenu éthylique de 10 séries télévisées populaires aux Etats-Unis. Les résultats ont de quoi faire tourner la tête. En moyenne, chaque épisode contient deux placements de produit alcoolisé, qui sont autorisés outre-Atlantique. Certains vont jusqu’à 13. Les bières dominent largement dans le palmarès : la Budweiser truste 12 % des séries, la Heineken 7 % et la Dos Equis 6 %.

Il faut dire que les séries américaines sont réputées pour être particulièrement portées sur la bouteille. Et comme l’écrivait Alfred de Musset, qu’importe le flacon pourvu qu’on ait l’ivresse. Dans Cougar Town, le verre de rouge est présent dans presque toutes les scènes. Sex and the City privilégie le cocktail Cosmopolitan là où Les Simpson ont inventé leur propre marque de bière. La fiction a depuis dépassé la réalité. Mais dans ce domaine, le détenteur du titre reste sans doute le très récompensé Mad Men.


Pour Jean-Pierre Couteron, président de la Fédération Addiction, cette technique est particulièrement insidieuse. « On se présente chez vous à un moment de détente, avec un personnage auquel vous vous êtes identifié, illustre-t-il. Il consomme de l’alcool et pose la bouteille avec une marque visible. L’empreinte sur votre cerveau n’est pas la même que le discours sur les dégâts de l’alcool lors d’une conférence. »

Des mécanismes de protection

De fait, ces placements de produits et cette consommation pléthorique ont un effet marquant sur le comportement des jeunes. Pour objectiver le phénomène, les chercheurs ont réalisé un sondage auprès de 2 600 jeunes, âgés de 15 à 20 ans. Sans surprise, les marques d’alcool les plus plébiscitées sont celles qui sont mises en avant dans les séries les plus regardées. Et les adeptes du marathon télé cèdent plus souvent aux sirènes de la biture express que les autres. « Ce n’est pas surprenant, lâche Jean-Pierre Couteron. Contrairement au discours des fabricants, il y a un calcul pour aller sur le terrain des jeunes. Cette étude montre à quel point cela fonctionne. »

En France, des mécanismes ont été mis en place pour protéger le public jeune. La loi Evin interdit toute publicité sur les substances alcooliques. Le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA) est également chargé d’afficher les avertissements nécessaires lorsqu’une consommation est présentée. Mais plusieurs séries américaines sont diffusées sans message à destination des adolescents, ni même de pastille d’interdiction à une classe d’âge. « Cela laisse songeur sur la cohérence de notre action, se désole Jean-Pierre Couteron. Nous avons beaucoup bataillé sur l’interdiction de la vente aux mineurs, mais nous sommes en retard sur le marketing et la présentation des émissions et des séries. »

La loi Evin débordée

Sans compter que les jeunes passent entre les mailles de ce filet législatif qui ne correspond plus aux modes de consommation actuels. Un quatre d’entre eux regarde des films ou des séries en streaming, 14 % les téléchargent… parfois avant même leur diffusion française. Dans ces conditions, difficile d’appliquer la loi Evin. La Fédération Addiction a bien demandé, en 2009, que ce texte soit étendu à Internet. Mais la requête a été refusée. « Nous sommes incapables de l’étendre au premier outil de consommation de médias des adolescents. Ne soyons donc pas surpris d’observer de tels résultats », tranche le président de la Fédération.

Une seule solution pour ce psychologue : l’alcool ne doit plus être considéré comme un produit de consommation courante. « Il faut accepter que le circuit ne soit pas traité de la même façon que celui de la vente de pain », estime Jean-Pierre Couteron. Car outre la présentation dans les séries télévisées, les publicités posent problème. Sans être ouvertement destinées aux jeunes, elles peuvent atteindre ce public avec une efficacité redoutable.

Des travaux de l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) pourraient bien confirmer cela. L’agence prévoit, dans son programme annuel, de « mieux cerner l’impact des stratégies marketing développées par les industries de l’alcool et du tabac pour influencer les représentations et les pratiques de consommation des jeunes ». Ces travaux, qui devraient être publiés après l’été, ont été menés grâce à un module inclus dans l’enquête ESPAD 2015. L’Observatoire compte les approfondir cette expérience avec le laboratoire de l’EHESP, et le reconduire « dans le cadre d’autres dispositifs d’enquêtes ».

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