Voilà à quoi peuvent aussi servir les données anonymes récoltées par les exploitants des applications mobiles. Grâce à l’application ENTRAIN, destinée aux voyageurs qui cherchent un petit coup de pouce pour gérer le décalage horaire, des chercheurs de l’université du Michigan (Etats-Unis) ont pu étudier les habitudes de sommeil dans plus de 100 pays, et ont publié leurs résultats dans Science Advances.
Grâce à des modèles mathématiques et les résultats de recherches scientifiques sur le fonctionnement du cycle circadien – l’horloge biologique –, ils sont parvenus à isoler quelques tendances significatives. « De manière générale, il ressort que la société impose l’heure du coucher, alors que l’horloge interne gouverne l’heure du lever, explique Daniel Forger, chercheur à l’université du Michigan et auteur de l’étude. Se coucher plus tard implique donc une perte de sommeil. »
Les Néerlandais en tête du classement
Les personnes qui prévoient le moins de repos sont les hommes dans leur cinquantaine, qui dorment souvent moins que les 7 ou 8 heures recommandées et s’exposent ainsi le plus. Les femmes, en général, dorment plus longtemps que les hommes d’environ 30 minutes par nuit, se couchent plus tôt et se lèvent plus tard.
En plus des différences entre les hommes et les femmes, les chercheurs ont observé des décalages entre pays. Les habitants de Singapour et les Japonais sont ainsi les plus petits dormeurs avec une moyenne de 7h34, et les Néerlandais, les plus sommeilleux de l’essai, ferment les yeux 8h12 par nuit. L’écart peut paraître faible, mais les chercheurs de l’université du Michigan rappellent que chaque demi-heure de perdue représente une différence significative en matière de fonctions cognitives et de santé à long terme.
Cette recherche vient encore confirmer l’importance de la lumière dans la régulation du cycle circadien. Les personnes qui sont le plus exposées à la lumière du soleil ont tendance à se coucher plus tôt, et à profiter de plus de sommeil que ceux qui passent l’essentiel de leur temps à la lumière des néons.
Un temps de sommeil surestimé ?
Les données utilisées pour cette étude sont nombreuses et détaillées, et fondent une source solide. Des nuances restent néanmoins à apporter à ces résultats, car quelques biais demeurent. Les données reposent sur les habitudes d’une frange particulière de la population, celle qui voyage. Des hommes d’affaires, des globe-trotters… Ces personnes n’ont pas forcément des habitudes de sommeil standard.
Dans leur propre intérêt et afin de tirer meilleur profit de l’application, les utilisateurs ont aussi, dans leur grande majorité, rempli les informations consciencieusement et de manière précise. Mais ces indications sont en réalité des intentions de sommeil, qui ne correspondent pas toujours à la réalité – qui pourraient révéler des temps de sommeil bien inférieurs. Certaines personnes ont peut-être indiqué qu’elles allaient se coucher, et ont par exemple regardé la télévision ou utilisé leur smartphone pendant un moment.
« Dans le monde réel, les habitudes de sommeil ne sont pas identiques à celles de l’univers de notre modèle, reconnaît Olivia Walch, co-auteure de l’étude. Ce qui lui manque, c’est la manière dont la société affecte l’heure du coucher. »