« Ce n’est jamais un lupus ! » Voilà sans doute la réplique la plus prononcée au cours des huit saisons de la série Doctor House. Seulement parfois, il s’agit vraiment d’un lupus, n’en déplaise au médecin le plus renfrogné du petit écran. Cette maladie auto-immune est loin d’être aussi rare qu’il le prétend. En France, on estime que 30 000 à 60 000 personnes en souffrent. Une estimation car bon nombre de malades pâtissent de mauvais diagnostics. A l’occasion de la Journée mondiale du lupus, Pourquoidocteur se penche sur les problèmes que cette pathologie pose aux professionnels de santé.
Une forte errance diagnostique
Marianne Rivière, présidente de l’association française du lupus et autres maladies auto-immunes (AFL+), livre un bilan sans équivoque concernant la prise en charge de cette maladie en France. « Le lupus est sous-diagnostiqué et mal-diagnostiqué. L’avancée qu’on a observée depuis quelques années n’est pas satisfaisante », tranche-t-elle. De fait, deux à cinq ans sont toujours nécessaires avant de recevoir un diagnostic adéquat. Mais c’est une évolution par rapport à la décennie précédente.
Il faut dire que le lupus est une maladie tentaculaire, souvent décrite comme ayant de multiples visages. Sa manifestation la plus connue, et la plus visible, est le « masque de loup », des plaques rouges qui apparaissent sur le nez et les joues. Mais tous les patients ne présentent pas ce symptôme. Et pour cause : le lupus peut aussi bien affecter la peau, les reins, les articulations, le système nerveux…
Sans compter que tous les patients ne sont pas égaux face au diagnostic. « Le lupus ayant une préférence d’organes pour le rein, les malades sont peut-être plus facilement diagnostiqués lorsqu’ils souffrent de troubles rénaux », estime Marianne Rivière.
Des outils diagnostiques
Pour guider les professionnels de santé face à ce labyrinthe de symptômes, le Collège américain de rhumatologie a proposé une grille de 11 critères aux spécialistes. Si le patient en présente au moins quatre, on peut être considérer qu’il souffre de lupus. Dans un cas sur deux, ce sont justement les symptômes rhumatologiques qui révèlent la maladie, ce qui justifie le recours au spécialiste. C’est également lui qui pose le diagnostic. Des examens biologiques peuvent aider à orienter le professionnel de santé, avec la recherche d'une anomalie de l'hémogramme (globules blancs, plaquettes...), un déficit de cellules du sang ou encore la présence d'anticorps antinucléaires, qui témoignent d'une réaction auto-immune.
Mais les généralistes ont aussi leur rôle à jouer dans la prise en charge. « On forme une centaine de médecins généralistes chaque année depuis 10 ans par un DIU sur Internet, explique le Pr Jean Sibilia, chef du service de rhumatologie au CHU de Strasbourg (Bas-Rhin). Mais je pense qu'il doit jouer un rôle de détecteur, puis référer son patient auprès d'un médecin expert qui puisse prendre en charge le malade. » Le médecin traitant garde une place dans le suivi des patients. Car le lupus reste une maladie qui évolue par poussées successives. Les choix de traitement d'appoint se font alors en concertation avec les médecins experts.
Reste un problème majeur, celui de la prise en compte des malades. Comme le souligne Marianne Rivière, « il n’existe pas de données épidémiologiques » dans le domaine du lupus. Sans doute parce que de nombreux malades n’ont eux-mêmes pas conscience de leur pathologie.
Des traitements de fond et d'appoint
Il n’existe pas de traitement définitif contre le lupus érythémateux systémique. Il est en revanche possible de lutter contre les poussées grâce à un traitement au long cours. « L’hydroxychloroquine donne de très bons résultats », souligne Marianne Rivière. Cet antipaludéen de synthèse n’est désormais plus administré contre le paludisme. Mais ses propriétés anti-inflammatoires sont prisées dans le lupus. Sur le long terme, une hygiène de vie adaptée permet aussi de réduire les poussées.
Des traitements ponctuels sont ajoutés à cette base. Les anti-inflammatoires et les corticoïdes, mais aussi des immunosuppresseurs sont recommandés. Chez les patients dits réfractaires, deux anticorps monoclonaux sont également indiqués.
Du côté de la recherche, des travaux sont en cours autour de deux grandes pistes : la signature d’une protéine qui active l’expression de gènes spécifiques et la modulation de la réponse immunitaire.