Elles provoquent des réactions alarmistes, outrées ou négatives. Pourtant, les incitations financières témoignent d’une efficacité avérée par différentes études scientifiques – notamment une revue Cochrane dédiée à cette méthode, qui consiste à rémunérer matériellement des comportements « vertueux » en matière de santé.
En France, les incitations financières dans le sevrage tabagique des femmes enceintes font l’objet d’une étude multicentrique menée dans 16 maternités. Financés par l’Inca (Institut National du Cancer) et dirigés par l’AP-HP (Assistance Publique des Hôpitaux de Paris). Ces travaux ont vocation à tester l’efficacité de cet outil, alors qu’une femme sur cinq continue à fumer lors du dernier semestre de grossesse.
Circuits de la récompense
Les femmes enceintes incluses dans l’étude pourront percevoir jusqu’à 300 euros en bons d’achat en cas de sevrage tabagique. Dans l’addiction, les incitations financières s’avèrent particulièrement efficaces ; des études anglosaxonnes ont ainsi démontré leur effet bénéfique dans le sevrage à des produits plus « durs » - cocaïne, héroïne – mais aussi dans l’obésité, pour contrecarrer des comportements alimentaires impulsifs.
« Ce qui est assez logique, confirme Ivan Berlin, coordinateur du projet à la Pitié-Salpêtrière. L’addiction est une maladie de la récompense. Ici, on remplace une récompense par une autre ».
400 participants prévus
A ce jour, l’étude ne compte qu’une vingtaine de participantes alors qu’elle prévoit d’en inclure 400. Aucune observation ne peut encore en être tirée ; les premiers résultats seront divulgués d’ici deux ans. Mais si la méthode s’avère coût-efficace et révèle un bénéfice net, alors, elle pourrait inspirer une intervention standard prise en charge par l’Assurance Maladie.
« Nous sommes dans une phase d’observation pure, nous ne savons pas si ce qui fonctionne à l’étranger peut être transposable en France, tempère toutefois Antoine Deutsch, responsable du projet à l’Inca. Les décisions politiques ne viendront qu’après avoir mené plusieurs études et répondu à un certain nombre de questions, notamment d’ordre éthique ».
De fait, notre système de santé est fondé sur la notion d’universalisme. Les soins, les prestations, la prise en charge sont les mêmes pour tous, et ne se modulent pas en fonction des comportements ou des ressources. L’idée de rémunérer des patients pour leur faire adopter certains gestes de santé peut sembler contradictoire avec ce modèle.
Toutefois, force est de constater son échec en terme de prévention. « La littérature montre qu’en général, les politiques préventives universalistes sont de mauvaise qualité, explique Florence Jusot, économiste de la santé, qui a pris part à l’étude FISCP. Seules les classes favorisées et éduquées se les approprient. Au final, elles créent de très fortes inégalités ».