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Agressions, viols, risques d'IST...

Prostitution : les gynécologues dénoncent les effets pervers de la loi

Par Bruno Martrette

Le nouveau texte sur la prostitution pénalise les clients français. Les gynécologues critiquent des dispositifs inopérants et les sommes allouées pour ces femmes précaires. 

photographee.eu/epictura

La nouvelle loi sur la prostitution est parue au Journal officiel le 14 avril après un marathon parlementaire. Elle marque officiellement l'entrée en vigueur de la pénalisation des clients utilisant les services d'une prostituée. 

Concrètement, l'achat d'actes sexuels est désormais sanctionné par une contravention de 1 500 euros (jusqu'à 3 500 euros en cas de récidive). Le texte supprime, par ailleurs, le délit de racolage, réintroduit par la droite en 2003, et comporte une série de mesures visant à améliorer la protection et la réinsertion des personnes prostituées en leur facilitant l'accès à un titre de séjour, à un soutien financier et à un logement.

Des nouvelles dispositions qui ne plaisent pas à tout le monde puisque le Syndicat national des gynécologues et obstétriciens de France (Syngof) évoque « des dispositifs inopérants et des aides financières insuffisantes pour lutter contre la précarisation des personnes prostituées ».

160 euros par personne et par an

En effet, le budget annoncé est actuellement de 4,8 millions d’euros. A l’instar de l’OCRTEH (1), si on estime à 30 000 le nombre de travailleuses du sexe en France, le budget alloué à la sortie de la prostitution serait alors de 160€ par personne et par an. Pour être à la hauteur de l'objectif affiché qui souhaite faire changer d’activité ces personnes, les associations tablaient, elles, sur un budget de 547 millions d’euros (2) par an. Bien loin du compte... 

La moitié des prostituées souffre d'anxiété, dépression

Pour cette raison, dans un communiqué commun avec le Syndicat du Travail Sexuel (STRASS), ces médecins dénoncent la précarisation de la santé des travailleurs et travailleuses du sexe « du fait de la clandestinité qu’implique nécessairement l’application de la nouvelle loi visant à lutter contre le système prostitutionnel ».

Le syndicat et ces praticiens alertent notamment sur « les effets pervers d’une loi qui éloigne les prostituées des structures de soins préventifs et curatifs ainsi que des associations qui les soutiennent ». Il mettent donc en garde les pouvoirs publics sur les risques qu’ils font encourir à ces personnes : « augmentation des agressions physiques, des viols, des risques d'infections sexuellement transmissibles, et conséquemment de détresse psychologique, etc », énoncent-ils pêle-mêle.

Ecoutez...
Morgane Merteuil, Porte parole du STRASS : « Il y a déjà plein femmes qui étaient suivies par des associations de santé et qui ont été perdues de vue depuis...»

 

Une situation d'autant plus dommageable qu'une étude menée par l'InVS a montré en 2013 qu'un tiers des prostituées déclare vivre avec une maladie chronique, comme le sida, les hépatites ou le diabète. De plus, les sentiments d’anxiété, de « déprime » et les pensées suicidaires (de manière occasionnelle) sont rapportées par respectivement 49 % et 65 % de ces femmes.

(1) Office Central pour la Répression de la Traite des Etres Humains

(2) Prise en charge estimée à environ 1 520 € mois / personne. La durée de prise en charge est estimée à 18 mois d'après le STRASS.