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Codéine, tramadol...

Migraine : l'automédication favorise la dépendance

Par Marion Guérin

L’automédication, fréquente chez les migraineux, entraîne des risques de pharmacodépendance. Les traitements spécifiques permettraient de réduire ce risque, selon une étude.

epictura/rinderart

C’est un véritable casse-tête pour les patients. Une douleur diffuse, à vous en exploser la boîte crânienne. Les migraines touchent plus de 10 millions de Français, selon les estimations. Malgré sa prévalence élevée, ce trouble reste marqué par une très forte errance diagnostique et thérapeutique.

A cela, plusieurs raisons. Des craintes ont longtemps été soulevées concernant les traitements spécifiques de la migraine – triptans et dihydroergotamine en tête – soupçonnés d’augmenter la fréquence des infarctus et AVC (accidents cardiovasculaires). Toutefois, les risques cardiovasculaires liés à la prise de ces médicaments ne semblent pas se démontrer au gré des études.

Usage strict

La dernière en date vient d’être publiée dans la revue Headache. Elle montre que les triptans et la dihydroergotamine ne sont pas associés à une augmentation du risque d’accident vasculaire ischémique, si tant est qu’ils soient consommés avec parcimonie, selon des prescriptions strictement encadrées et en cas de crise uniquement - en dehors, donc, des simples maux de tête qui se confondent parfois avec les vraies migraines.

De fait, une surconsommation de ces médicaments antimigraineux entraîne un certain nombre d’effets secondaires, dont celui d’inverser leur action, avec une augmentation des migraines chroniques. Dans ces circonstances, l’automédication est absolument à proscrire.

Automédication et pharmacodépendance  

Or, c’est là que le bât blesse. Selon l’enquête épidémiologique Framig 3 – la plus vaste étude épidémiologique menée en France sur la migraine – seuls quatre patients sur dix se savent atteints de migraines. Près de 80 % ne sont pas suivis par leur médecin pour ce trouble ; la moitié n'a même jamais consulté pour la migraine.

Ce qui conduit, en pratique, à une très forte automédication et à des risques de mésusage, non sans gravité. « Les gens sont prêts à tout pour soulager leur douleur, explique Xavier Aknine, généraliste parisien spécialisé dans les addictions. Ils commencent avec du paracétamol, puis de la codéine… Il est très fréquent de voir dans nos consultations des personnes migraineuses qui ont développé une forte pharmacodépendance ».

Ecoutez...
Xavier Aknine, médecin généraliste, addictologue : « Il y a parmi ces patients un très fort risque d'intoxication au paracétamol et d'hépatite médicamenteuse  »
 

Le risque de dépendance aux opiacés est d’autant plus vrai aux Etats-Unis, où les médecins prescrivent davantage cette classe de médicaments aux patients migraineux. Dans un contexte d’épidémie d’addiction aux opiacés, et puisque les triptans semblent exempts de risques dans le cadre d’un usage strict, les auteurs de l’étude américaine estiment que les antimigraineux devraient être plus largement prescrits aux patients souffrant de ce trouble, afin d’éviter les risques de pharmacodépendance.

Mais encore faut-il qu’ils soient efficaces… « Les migraines ont souvent des causes multifactorielles, notamment psychologiques, rappelle Xavier Aknine. La simple prescription médicamenteuse ne suffit pas ; il faut regarder le contexte du patient ». Et lui proposer des alternatives aux traitements – méditation, relaxation, yoga… - qui ont fait leur preuve dans ce trouble complexe.