Il les jugeait attentatoires à la dignité humaine lorsqu’il était encore député. Désormais Garde des Sceaux, Jean-Jacques Urvoas a décidé de réintroduire les fouilles à nu généralisées en prison. Un amendement au projet de loi de lutte contre le terrorisme et d’amélioration de la procédure pénale, a été adopté par le Sénat début avril sur proposition du ministère de la Justice, au grand dam des associations de défense des droits de l’Homme.
Un loi pas respectée
Les fouilles à nu aléatoires et généralisées sont interdites depuis 2009 ; elles ne doivent avoir lieu que de manière prévisible et individualisée. Toutefois, la loi n’a jamais été respectée dans les centres pénitentiaires. La France s’est d’ailleurs fait condamner à plusieurs reprises par la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH), ainsi que par ses propres institutions - le Conseil d’Etat, en l’occurrence.
L’amendement permettrait aux chefs d’établissements d’ordonner des fouilles à nu « dans des lieux et pour une période de temps déterminés, lorsqu’il existe des raisons sérieuses de soupçonner l’introduction au sein de l’établissement d’objets ou de substances interdits ou constituant une menace pour la sécurité des personnes ou des biens ». En d’autres termes, il fixerait un cadre à la généralisation des fouilles à nu.
Le ministre a promis qu’il s’emploierait à ce que le texte respecte les principes fixés par la CEDH, qui ne désapprouve pas les fouilles à nu en elles-mêmes, mais condamne fermement leur caractère aléatoire et généralisé. L’argument n’a pas convaincu la Contrôleure Générale des Lieux de Privation de Liberté, qui a pris sa plume pour exprimer son indignation dans une lettre de cinq pages adressée au ministère de la Justice.
« Régression »
Le journal Le Monde s’est procuré cette lettre, dans laquelle Adeline Hazan dénonce « une régression importante de notre droit au regard du respect des droits fondamentaux », une mesure « disproportionnée » et « susceptible d’exposer la France à de nouvelles condamnations devant la CEDH ».
La Contrôleure rappelle également que ce type de fouilles « est d’ores et déjà pratiqué de façon extensive dans les établissements pénitentiaires », en dehors du cadre légal, donc, et, parfois, dans des conditions particulièrement humiliantes (lieux inappropriés – douche, couloirs, local poubelle – à la vue de tous).
Pour l’Observatoire International des Prisons, il faut voir dans cet amendement un « calcul politique » visant à rassurer le personnel pénitentiaire, très demandeur de mesures de sécurité en raison des agressions dont ils sont victimes. Les fouilles à nu ont en effet vocation à lutter contre l’introduction d’armes, entre autres, en milieu carcéral. Dans un communiqué, l’OPI rappelle ces mots, prononcés par Jean-Jacques Urvoas, député breton : « Mes chers collègues, si l'un de nous avait subi cela, pourrait-il prôner rationnellement le maintien des fouilles corporelles intégrales dans notre appareil normatif ? ».