Association militante depuis 1939, le Comité inter-mouvements auprès des évacués (Cimade) accompagne les personnes étrangères dans la défense de leurs droits. Parmi eux, on trouve de nombreux migrants ayant fui des terrains de guerre ou tout simplement la misère dans leur pays. Cette vocation humaniste, un médecin l'a oublié dans son serment d'Hippocrate. Il y a quelques jours, on apprenait en effet qu'un praticien de l’Assistance Publique des Hôpitaux de Paris (AP-HP) est soupçonné d’avoir extorqué de l’argent à des patients bénéficiaires de l’AME, l’aide médicale d’état, un dispositif permettant aux personnes sans ressources de bénéficier de soins gratuits.
L’information avait été dévoilée par l’AP-HP elle-même, qui a décidé de suspendre les activités du praticien incriminé. Dans un communiqué, elle précisait qu’à la suite d’un signalement effectué par un bénévole d’une association d’aide aux migrants, « un patient étranger en situation irrégulière bénéficiaire de l’AME a rapporté avoir versé à plusieurs reprises des sommes d’argent en espèce au médecin concerné de l’Hôpital de la Pitié Salpêtrière (Paris) ». Un hépatologue qui ne serait pas le seul à avoir dérapé malheureusement.
De nombreux médecins concernés
Interrogée dans Le Parisien Laura Petersell, chargée de la thématique santé à la Cimade, confie : « Cette affaire est l'arbre qui cache la forêt. Nous avons constaté que de nombreux médecins se livraient à un racket auprès des migrants. Ils exigent d'eux le paiement de plusieurs centaines d'euros pour établir des certificats médicaux selon lesquels leur pathologie peut ouvrir droit à une demande de titre de séjour sur le territoire national. » « Normalement, les migrants, qui sont pris en charge par l'AME ou la CMU (couverture maladie universelle) n'ont pas à avancer d'argent aux médecins, car la consultation est prise en charge par l'Assurance maladie », poursuit-elle.
L'Ordre prévoit des procédures disciplinaires
Et d'après Laura Petersell, certains médecins auraient même poussé le vice encore plus loin : « Ces précaires n'ont pas non plus à payer, bien sûr, des dépassements d'honoraires ! Or nous avons recensé de nombreux témoignages sur ce sujet », affirme-t-elle.
En réaction, la Cimade a signalé, par écrit, ces entorses à la déontologie au ministère de la Santé. « Le ministère nous confirme que ces demandes d'honoraires de la part des médecins sont indues. Mais on attend des réponses fortes de leur part », maintient l'association.
Également contacté par le quotidien, le Dr Jean-Marie Faroudja, président de la section éthique et déontologie du Conseil National de l'Ordre des Médecins (CNOM), estime que « de tels manquements justifient une procédure disciplinaire. Il n'y a pas de dépassements d'honoraires à demander à des patients vulnérables, relevant de la CMU. Ce sont des pratiques intolérables », conclut-il.