Alors que l’espérance de vie des hommes et des femmes s’est allongée et les inégalités se sont estompées depuis la fin du 19ème siècle, un phénomène inverse tend à se dessiner depuis les années 1950. En effet, selon un récent rapport de la Cass Business School et l'International Longevity Centre UK, le rythme d’amélioration de l’espérance de vie semble ralentir et n’entraîne plus une réduction des inégalités en Angleterre, au Pays de Galle, en France et en Italie.
Au cours des deux derniers siècles, l’Europe a été terrassée par des épidémies comme la grippe espagnole et a été brisée par deux guerres mondiales. Pourtant, l’espérance de vie des adultes n’a cessé d’augmenter grâce aux campagnes massives de vaccination, le développement des antibiotiques, l’accès à l’eau potable et à une augmentation du niveau de vie. Cette améliorationa profité à l’ensemble des populations, riches ou pauvres.
Toutefois, l’analyse des chercheurs britanniques révèle pour la première fois depuis 1870 qu’un écart se creuse entre les durées de vie les plus longues et celles les plus courtes, alors même que les Britanniques vivent plus longtemps que jamais (5 % des hommes britanniques qui atteignent 30 ans vivent en moyenne jusqu’à 96 ans, une femme vit jusqu’à 98,2 ans). « Malgré l'augmentation générale de l'espérance de vie après 1950, l'écart entre les hommes et les femmes s'est accru tandis que les inégalités en termes de durée de vie persistent au lieu de diminuer », note Les Mayhew, l'un des auteurs du rapport An investigation into inequalities in adult lifespan.
Tabac, alcool, mauvaise alimentation
Les auteurs estiment que cette disparité grandissante – observée en particulier entre les pauvres et les riches -, est liée à l’évolution de nos modes de vies. Tabagisme, alcool, mauvaise alimentation font le lit des pathologies chroniques. Des facteurs de risques de mortalité évitables qui sont plus représentés dans les classes les plus pauvres de la société.
Mais ce phénomène n’est pas propre à la Grande-Bretagne. En comparant l’espérance de vie des Français et des Italiens aux Anglais et Gallois, les chercheurs ont observé que l’espérance de vie à 30 ans en Angleterre et au pays de Galles est actuellement plus élevée qu’en France ou en Italie. Néanmoins, les femmes françaises vivent plus longtemps que leurs voisines européennes. Une espérance de vie qui s’est grandement améliorée avant les années 1950 et qui continue de s’allonger.
La France, bonnet d'âne
En outre, cette comparaison suggère que les inégalités d’espérance de vie entre les hommes français sont plus importantes qu’en Angleterre ou au pays de Galles. Pour les hommes, cet écart est actuellement de 37,0 ans en France, alors qu'il est de 33,3 ans en Angleterre et au pays de Galles, et de seulement de 31,7 ans en Italie. Du côté des femmes, l’Italie fait figure de bon élève avec un écart de 28,2 ans, alors qu'il est de 30,6 ans en France et de 31,0 ans en Angleterre et au pays de Galles.
Enfin en comparant l’écart entre les sexes, les chercheurs ont noté qu’il est beaucoup plus grand dans notre pays que chez nos voisins, et qu’ils continue de se creuser.
Pour inverser le phénomène, les auteurs estiment qu’il faut promouvoir un changement de mode de vie par l’adoption d’outils politiques plus puissants. « Ce rapport, qui tombe à point nommé, souligne comment, malgré une augmentation significative de l'espérance de vie, l'écart entre les riches et les pauvres s'accroît pour la première fois depuis les années 1870.
Cette tendance est particulièrement inquiétante pour la société et les responsables politiques doivent en faire davantage de manière à réduire à nouveau cet écart. La lutte contre les inégalités en termes de santé et de handicap doit être une priorité politique », conclut Sally Greengross, directrice générale de l'International Longevity Centre UK.