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Succès aux Etats-Unis

Greffe de pénis : pourquoi la France n’en pratique pas

Par Marion Guérin

Aux Etats-Unis, un homme s’est fait greffer avec succès un pénis. En France, cette prouesse n’a toujours pas été réalisée pour des raisons éthiques.

Geoffrey Swaine/REX Shu/SIPA

C’est la troisième fois que l’on réalise cette prouesse à travers le monde. Aux Etats-Unis, un homme vient de subir une greffe de pénis. « Une réussite », selon la presse américaine qui s’en est fait l’écho ce week-end. L’homme de 64 ans, atteint d’un cancer du pénis, avait été amputé de son membre. Au terme d’une opération de plus de quinze heures et après une semaine de rétablissement, il se trouve dans un état permettant des espoirs « raisonnables ».

« Si tout se déroule comme prévu, Thomas Manning pourra uriner normalement dans quelques semaines et avoir une activité sexuelle d'ici quelques mois », a déclaré le chirurgien à la tête de l'équipe médicale impliquée, cité par le New York Times. Une bonne nouvelle pour les autres candidats à l’opération, alors qu’une soixantaine de soldats mutilés pourraient en bénéficier.

Dans l’Hexagone, l’intervention n’a jamais eu lieu. En fait, bien que la technique opératoire ne soit pas des plus simples, c’est avant tout pour des questions éthiques que la France n’a toujours pas impliqué ses équipes dans de tels projets, comme l’explique le Pr François Desgrandchamps, chef du service urologie à l’hôpital Saint-Louis (Paris).
 

Cette opération est-elle particulièrement technique ?

Pr François Desgrandchamps : La transplantation est délicate d’un point de vue technique mais pas insurmontable. Nos équipes sont prêtes depuis longtemps à réaliser une telle intervention. Il s’agit de microchirurgie ; il faut anastomoser les artères caverneuses et les nerfs caverneux, faire en sorte qu’ils communiquent à nouveau pour retrouver une fonction érectile en plus de la fonction urinaire. Tout ce protocole a été élaboré avec nos chirurgiens plasticiens ; il est prêt à être appliqué.

L’autre difficulté est d’ordre immunologique. Le pénis est un tissu composite très immunogène [capable d'induire une réaction immunitaire, ndlr], il y a de la peau, du sous-cutané. Le risque de rejet est élevé. Mais là aussi, nous avons surmonté la question technique. L’immunosuppression est la même que pour une transplantation composite comme la main ou la face.

Alors pourquoi n’avoir jamais réalisé cette opération en France ?

Pr François DesgrandchampsParce que le seul aspect sur lequel nous n’avons pas encore tranché est d’ordre éthique. Pour transplanter cet appendice, la verge, il faut prendre une immunosuppression lourde jusqu’à la fin de ses jours. Dans l’état actuel des thérapies dont on dispose, cette immunosuppression est vectrice de complications infectieuses voire même tumorales.

Ce qui nous a bloqué jusqu’ici auprès de l’Agence de Biomédecine, c’est bien l’aspect éthique. Quand peut-on éthiquement penser que greffer une verge a plus d’avantages que d’inconvénients ? Au prime abord, on se dit que la réponse est évidente, mais étant donné la lourdeur des traitements et les risques associés, ce n’est pas si simple.

Ecoutez...
François Desgrandchamps, chef du service urologie à Saint-Louis : « Nous proposons une transplantation combinée rein et verge, pour les patients insuffisants rénaux atteints d'une malformation congénitale » 

Mais pourquoi est-il plus éthique de greffer une main qu’une verge ?

Pr François DesgrandchampsQuand vous n’avez pas de main, vous ne pouvez rien attraper. Quand vous n’avez pas de verge, vous pouvez toujours uriner ; l’urètre commence bien plus en arrière de la verge, il suffit de faire une urétrostomie périnéale pour rétablir la fonction urinaire. De même, vous pouvez toujours ressentir un plaisir cérébral, même en l’absence d’érection. Les patients qui ont des moignons de verge ont toujours des orgasmes. Par contre, ils perdent leur fonction reproductive puisqu’il faut au moins quatre centimètres de verge pour permettre au sperme de trouver son chemin jusqu’à l’ovocyte.

En fait, la transplantation de verge relève plus du versant plaisir et esthétique que d’une question vitale. Une main, un visage, c’est vital. Pas une verge. C’est pourquoi la dimension éthique liée au bénéfice et au risque de cette intervention se pose davantage. Toutefois, on peut espérer que l’immunosuppression évolue pour devenir moins sévère et alors, cet obstacle sera levé.