S’il a voulu en faire un « coup médiatique », c’est un coup de maître. Depuis le 14 novembre, Philippe Lailler intéresse la presse nationale. Depuis ce jour là, ce pharmacien a donné la possibilité aux personnes de commander à distance leurs médicaments. Son site existe depuis un an mais il était, jusqu'à présent, réservé à de la parapharmacie. Installée dans un quartier populaire de la ville, La Grâce de Dieu, l'officine compte 25 collaborateurs dont 5 pharmaciens.
Avec cette initiative, Philippe Lailler ouvre le débat sur la vente en ligne des médicaments, met l’accent sur un vide juridique et déstabilise une profession rétive à tout changement brutal. Et il répond, peut-être, à une réelle demande. En une semaine, il a enregistré 200 commandes.
L’offre commerciale. Pour les médicaments sans ordonnance, les personnes peuvent commander et payer en ligne et se faire livrer à domicile par la poste. Les médicaments sur ordonnance peuvent être réservés par internet mais les patients doivent les récupérer à la pharmacie avec l’ordonnance originale.
Dans les deux cas, les patients doivent remplir un questionnaire santé et peuvent bénéficier d’un conseil d’un pharmacien de l’officine. Selon Philippe Lailler, ce service n’est pas uniquement utilisé par les jeunes.
Ecoutez Philippe Lailler, pharmacien à Caen : « Il a y tous les âges dans les commandes et cela concerne tous les membres de la famille ».
Le pharmacien a-t-il le droit ? Curieusement, la vente des médicaments en ligne n’est pas réglementée en France. En 2003, un arrêt européen avec ouvert la possibilité à ses membres d’autoriser la vente en ligne des médicaments. Certains pays se sont prononcés clairement. L’Allemagne, par exemple, a décidé que seules les pharmacies, pouvaient vendre des médicaments sur le net. La Grande-Bretagne a libéralisé totalement ce commerce. Mais la France, elle, n’a pas statué.
Et comme le précise, Jean-François Fouqué, avocat, en droit français, Philippe Lailler profite donc d’un vide juridique.
Ecoutez , Jean-François Fouqué , avocat : « Tout ce qui n’est pas interdit est autorisé ».
Cette pratique est-elle dangereuse ? Tous les représentants syndicaux ont dénoncé cette initiative. Si, pour le moment, elle n’est pas attaquable sur le plan juridique, la profession fait valoir que toute délivrance d’un médicament doit être accompagnée d’un conseil. La vente en ligne, selon eux,, dévaloriserait la mission du pharmacien
Ecoutez Francis Megerlin, économiste, maître de conférence à l’Université Paris-Descartes: « Cela risquerait d’encourager le discount qui est très délétère pour le pharmacien ».
Autre argument avancé par les opposants, le public risque de ne plus pouvoir faire le tri entre les services proposés par les pharmaciens et ceux issus de sociétés étrangères qui pourraient vendre des contrefaçons.
Sur cette critique et les autres, les réponses de Philippe Lailler.
« On ne va pas faire disparaître les officines du paysage français »
pourquoidocteur : Avez-vous ouvert ce site avec un objectif commercial ?
Philippe Lailler . On n’est pas parti dans cet objectif là à l’origine. Il est évident que si jamais çette activité fonctionne, on espère dégager une activité et embaucher une personne. Le site est ouvert depuis pratiquement un an et on ne vendait que de la parapharmacie. IL y a 6 mois, je me suis dit pourquoi ne pas vendre certains médicaments.
Avec la vente en ligne, comment sont prodigués les conseils du pharmacien ?
Ph.L Dès la page d’accueil, vous n’êtes pas obligé d’aller sur un médicament. Vous pouvez rentrer en contact soit par téléphone, soit par mail avec un pharmacien, lui poser vos questions ou encore lui demander un conseil. Quand vous allez sur un médicament, à tout moment, vous avez des rubriques pour vous mettre en garde, vous rappeler que c’est un médicament, faire attention aux contre-indications, vous conseiller de consulter un médecin en cas de problèmes. Vous êtes obligés d’aller sur la notice d’utilisation. Ensuite, quand vous validez, il faut attester avoir lu cette notice. Vous pouvez à tout moment redemander des conseils. Et la commande est suspendue le temps que l’on vous réponde. C’est fait dans journée. Votre commande est contrôlée par un pharmacien., Dans 90% des cas, il n’y a pas de problème. Dans les 10% des cas, on rappelle la personne parce qu’il y a quelque chose qui ne va pas ou alors, on décide d’annuler cette commande parce qu’elle est incohérente ou parce qu’il y a des contre-indications. A ce moment-là, on ne valide pas cette commande.
Qui vous passe des commandes ?
Ph.L. Les gens qui achètent par internet, le font pour des compléments ; c’est une activité complémentaire et non une activité essentielle. Ce sont surtout des gens qui travaillent beaucoup et qui n’ont pas beaucoup de temps et qui veulent en avoir pour faire leur choix tranquillement de chez eux. On pourrait croire que ce sont des gens plutôt jeunes qui commencent sur internet. Ce n’est pas vrai, vus avez tous les âges. Souvent, il y a des produits pour tous les membres de la famille, pour les enfants, pour le mari et pour la femme. Mais on n ne va jamais faire disparaître les officines du paysage français.
Les Français pourront-ils faire le tri entre des pharmacies et des sociétés peu scrupuleuses ?
Ph.L. Ce qui est très triste, c’est qu’il y a énormément de Français qui achètent des médicaments sur des sites à l’étranger. Et là, vous ne savez pas où vous tombez. il y a le pire comme le meilleur. Je trouve ça dangereux pour les Français. Il est préférable que ce soit les officines françaises qui distribuent les médicaments par internet en France. C’est ça l’objet de la discussion aujourd’hui. Il faut se mettre autour d’une table et je suis prêt à coopérer pour imaginer et construire le circuit de distribution sur internet. Ce que j’ai fait sur mon site, je l’ai fait comme je l’ai vécu.