Dans les Etats américains qui ont légalisé la marijuana à usage récréatif ou médical, la question de la réglementation routière se pose. Mais elle s’exprime selon une logique erronée, à en croire les résultats d’une étude menée par l’AAA Foundation for Traffic Safety, qui s’est interrogée sur les tests de cannabis menés par les forces de police sur les routes américaines.
Là où le cannabis est légal, des seuils ont été adoptés au-delà desquels il est interdit de prendre le volant. Ces seuils ont été fixés en se calquant sur la législation liée à l’alcool : conduire avec un taux de cannabis supérieur à 5 nomogrammes par millilitres de sang est illégal et susceptible d’entraîner la confiscation de l’automobile.
"Arbitraire"
Or, selon l’AAA Foundation for Traffic Safety, ces seuils relèvent de l’ « arbitraire », ne reposent sur « aucun fondement scientifique » et pourraient bien manquer leur objectif. De telles mesures pourraient ainsi « autoriser des conducteurs dangereux à conduire tandis que d’autres seraient injustement accusés de conduite dangereuse ». En fait, pour la fondation américaine, il est illusoire de vouloir évaluer la capacité à conduire d’un fumeur de cannabis d’après son seul taux de THC dans le sang.
Pour parvenir à ce constat, les auteurs de l’étude ont passé en revue les données de 602 conducteurs interpellés pour conduite sous influence du cannabis. En plus de prélèvements sanguins, les conducteurs arrêtés ont dû subir une série de tests d’habilité censés fournir une idée de leur état d’alerte.
Ces tests, les Drug Recognition Expert (DRE), consistent à marcher sur une ligne droite de neuf mètres, pour ensuite se toucher le nez avec le doigt tout en restant debout sur une jambe pendant trente secondes. Selon la police américaine, ces tests permettent de débusquer 88 % des conducteurs ayant consommé de l’alcool.
THC et réussite aux tests
Pour les besoins de l’étude, 349 volontaires sobres ont passé les mêmes tests. Or, selon les auteurs, il n’y aurait aucun lien entre les taux de THC dans le sang et la réussite à ces tests. D’abord, 45 % des personnes sobres ont échoué au dit test, de même que 6 % des consommateurs de cannabis.
Mais surtout, 80 % des interpellés qui ont raté le test DRE avaient un taux de 1 ng/ml ou plus. Parallèlement, 30 % des personnes présentant les mêmes taux ont, eux, réussi le test.
Au final, l’argumentaire de l’association américaine repose sur un constat simple et connu depuis bien longtemps : un fumeur ayant consommé une très faible quantité peut se comporter comme un ivrogne, version cannabis. Tout comme un consommateur intensif peut témoigner d’une grande agilité.
L’AAA Foundation for Traffic Safety rappelle que fumer au volant reste particulièrement dangereux et que dans l’Etat de Washington, les accidents de la route impliquant du cannabis ont doublé depuis sa légalisation. Toutefois, elle estime qu’ « en attendant qu’une méthode scientifique fiable » soit trouvée, les policiers policiers devraient utiliser « des tests psychologiques et de comportements pour juger si un conducteur qui a fumé du cannabis est apte à conduire ou non ».