Biotrial est en désaccord avec l’Inspection générale des Affaires sociales (Igas), et le fait savoir. Le laboratoire de Rennes (Ille-et-Vilaine) a organisé l’essai clinique qui a entraîné la mort d’un volontaire et l’hospitalisation de cinq autres. Ce 23 mai, les inspecteurs de l’Igas ont rendu leur rapport définitif. Marisol Touraine a notamment donné un mois à Biotrial pour livrer un plan d’action correctif.
Mais il a déjà été mis en place, à en croire Me Jean Reinhart, avocat du laboratoire contacté par Pourquoidocteur. « Depuis fin janvier, après des échanges avec l’Agence nationale de sécurité du médicament avec qui nous correspondons régulièrement, ajoute-t-il. Marisol Touraine devrait demander à ses services d’actualiser ses fiches. »
Des mesures unilatérales
Le plan d’action n’est pas le seul point de désaccord entre Biotrial d’un côté, l’Igas et le ministère de la Santé de l’autre. Marisol Touraine a annoncé plusieurs évolutions réglementaires, dont la création d’une cellule dédiée aux essais précoces au sein de l’ANSM. Désormais, les centres d’investigation clinique devront systématiquement interrompre les recherches dès qu’un volontaire sera hospitalisé.
« Il y aura une spécificité française que nous respecterons à la lettre. Mais ces dispositions sont imposées de manière unilatérale, déplore Thomas Roche, avocat de Biotrial. Des promoteurs ont déjà déclaré qu’ils ne mèneraient plus d’essais cliniques en France. Cela peut mettre à terre certains protocoles, qui sont là pour identifier certaines réactions. »
L'Igas « très agressive »
Le laboratoire rennais met surtout en cause la façon dont les inspecteurs de l’Igas ont mené leur enquête. En février, Marisol Touraine a réuni les médias pour un point d’étape. Biotrial ne consulte pas le pré-rapport et n’a pas encore été consulté. Un non-respect de la procédure du contradictoire, dénoncent ses avocats. Ils regrettent aussi ne pas avoir consulté le rapport final avant sa présentation à la presse.
Avant cela même, Mes Reinhart et Roche mettent en cause la tenue de l’enquête, qu’ils jugent brouillonne et « très agressive ». « Les autres institutions françaises établissent un procès verbal lorsqu’une personne est auditionnée. Ici, l’Igas s’en dispense », accuse Jean Reinhart. Il ajoute que certains salariés ont été recontactés sur leur téléphone personnel de nuit et lors des week-ends.
Une poursuite en justice ?
Les avocats pointent aussi des liens d’intérêt de l’inspecteur en chef avec la direction de l’hôpital de Rennes. Une information qui « retire de la force et de la crédibilité » au travail mené, selon eux.
Car c’est bien l’axe de défense adopté par le duo d’avocats qui défend Biotrial : discuter la légitimité de l’enquête des inspecteurs. Ils envisagent d’ailleurs de contester leurs conclusions en justice. Pour Jean Reinhart, les experts se sont tout simplement trompés de cible en focalisant leurs travaux sur le suivi des volontaires après la déclaration des effets indésirables. « Nous avons mené la procédure de manière rigoureuse dès le moment où un de nos volontaires a présenté un trouble », se défend-il.
« Cela fait 25 ans que Biotrial existe. Il n’y a jamais eu l’ombre d’une difficulté. La vraie question c’est : qu’est-ce qui s’est passé pour arriver à cet accident ? interroge Jean Reinhart. Elle porte sur la qualité de la molécule testée, ce qui n’est pas de notre ressort. » L'enquête judiciaire en cours pourrait en partie répondre à ces questions.