Le mélanome ne représente que 5 % des cancers de la peau, mais c’est aussi le plus mortel. Huit décès sur dix lui sont attribués. De fait, il est particulièrement agressif. Les traitements, eux, sont limités et s’opposent parfois à une résistance rapide. Une équipe de l’Inserm et du CHU de Nice (Alpes-Maritimes) propose une nouvelle molécule pour combattre ce cancer cutané. Elle présente ses résultats dans la revue Cancer Cell.
Des traitements peu efficaces
Le mélanome est connu pour développer très facilement des métastases. « Elles se situent notamment au niveau pulmonaire, hépatique, osseux… détaille Stéphane Rocchi, auteur de l’étude contacté par Pourquoidocteur. Dès leur apparition chez le patient, l’espérance est d’environ 6 à 9 mois. » Si la survie est si faible à un stade métastatique, c’est parce que ce cancer est alors particulièrement difficile à traiter.
Deux nouvelles classes de traitements, récemment apparues, ont commencé à changer la donne. Les thérapies ciblées s’attaquent à une voie de signalisation qui est exprimée de manière accrue chez les patients atteints de cancer, à cause d’une mutation de la protéine BRAF. Mais le mélanome résiste très vite à ces traitements.
« On a voulu mettre en évidence des molécules capables de dépasser cette résistance », résume Stéphane Rocchi. D’autant que les immunothérapies, développées encore plus récemment, n’obtiennent une réponse que chez un petit nombre de patients , 30 % tout au plus.
Non toxique pour les cellules normales
Avec l’aide du Dr Rachid Benhida, de l’Institut de Chimie de Nice, Stéphane Rocchi s’est donc intéressé aux Thiazole Benzensulfonamides. Cette famille de molécules, déjà utilisée dans le diabète de type 2, possède des propriétés anti-cancéreuses. Les chercheurs l’ont modifiée afin de lui ôter son activité pro-insuline, obtenant ainsi la formule HA15. Elle cible la même voie de signalisation que les thérapies ciblées, mais induit un stress élevé au niveau des cellules tumorales pour provoquer leur mort.
« Les cellules normales, qui ont un niveau de stress basal beaucoup plus bas, n’atteignent pas un niveau suffisant pour mourir quand elles sont stimulées », précise Stéphane Rocchi. L’approche ne serait donc pas toxique pour les cellules saines.
Les essais réalisés sur des souris atteintes de mélanome métastatique confirment cette observation : la toxicité est presque nulle. « Nous n’avons pas observé de changement de comportement des rongeurs pendant la durée du traitement, ni de perte de poids, explique Stéphane Rocchi. Nous avons dosé les transaminases hépatiques, pour regarder la toxicité sur le foie. Il n’y a absolument aucun changement par rapport aux souris contrôle. »
Un partenariat industriel
Sur des cellules humaines, prélevées sur des biopsies de patients sensibles ou résistants aux traitements, les molécules développées par les Niçois ont aussi présenté une activité positive. Elles sont même parvenues à tuer des cellules résistantes aux thérapies ciblées.
L’efficacité semble plutôt large puisque l’équipe a testé d’autres formes de tumeurs – du sein à la prostate en passant par le gliome et la leucémie myéloïde chronique. « Systématique, on a observé une belle efficacité », se félicite Stéphane Rocchi. Reste maintenant à développer la recherche sur l’homme. Pour cela, le chercheur et ses collaborateurs souhaitent nouer un partenariat avec l’industrie. L’Inserm a d'ailleurs déposé deux brevets qui permettent justement de réaliser cette association.
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